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Vivant comme des humains. Marie de France compose en anglo-normand

ses Isopets. Ces fables ont inspiré un des chefs-d’oeuvre du Moyen Age,

le Roman de Renart.

Les chroniques

Un autre genre spécifique de la littérature médiévale, les chroniques,

doivent leur naissance aux Croisades. Parmi les chroniqueurs éminents

de l’époque les noms de Geoffroi de Villehardouin et de Jean de

Joinville méritent d’être mentionnés.

Le théâtre

Le théâtre au Moyen Age se compose d’un théâtre religieux incarné

dans les mystères et d’un théâtre profane illustré par la farce et la sotie.

Les premières pièces de théâtre du Moyen Äge sont liées aux cérémonies

du culte. Le spectacle se déroule dans l’église et en latin. La musique

accompagne régulièrement les prières et les louanges adressées à

Dieu et à Marie.

Peu à peu, les conditions de représentation changent; on invente de

décor multiple, on sort de l’église, et on joue sur le pavis. Les acteurs

sont désormais des clercs, organisés en troupes, et, à partir du XIIe s., le

français remplace le latin.

Le texte même du spectacle évolue: de plus en plus, on mêle des

épisodes drôles, ou grotesques, aux épisodes tirés des Ecritures. Avec le

temps, ces scènes profanes vont constituer un genre définitif, le théâtre

119

comique. Ainsi le théâtre se dégage des cérémonies culturelles et produit

déjà des oeuvre vivantes comme le Jeu de Saint Nicolas, de Jean Bodel,

le Jeu de la Feuillée et le Jeu de Robin et Marion, d’Adam.

Parmi les différents spectacles religieux on distingue le jeu, terme le

plus ancien, synonyme de drame, le mystère, qui emprunte son sujet aux

Ecritures, et le miracle, qui raconte la vie d’un saint.

III. La situation linguistique.

1. Le morcellement dialectal.

Le morcellement féodal et le système des fiefs ont engendré l’esprit

particulariste auquel correspond, sur le plan linguistique, une variété de

dialectes. C’est pourquoi la langue française de la période féodale se

caractérise par un grand nombre de dialectes.

Une relative indépendance de la Gaule méridionale aux VIe – VIIIe

ss., ainsi que la séparation du royaume d’Arles du Nord de la France pendant

trois siècles (Xe – XIIIe ss.) ont contribué à l’évolution linguistique

tout à fait différente du latin vulgaire et du gallo-roman au Sud et au Nord

de la Gaule. Les pays de langue d’oc (ou Occitanie) ont eu donc un développement

linguistique différant de celui des pays de la langue d’oïl.

Ainsi, du point de vue linguistique la France médiévale est divisée

en deux grands groupes de dialectes dits langue d’oc et langue d’oïl et

une langue soi-disant intermédiaire – le franco-provençal dont la tradition

écrite et littéraire se centre autour de Lyon. Il faut préciser qu’en

dehors des trois domaines romans il existe alors en France des territoires

où habitent des peuples qui ne sont pas d’expression romane et qui jouissent

d’une autonomie politique assez grande: le duché de Bretagne, situé

au nord-ouest du pays, où l’on parle un idiome celte, et le comté de Flandre,

au nord-est, où la langue est le flamand, idiome germanique.

Rappelons que ces langues sont appelées suivant la forme de la particule

affirmative oui, langue d’oïl (ойль) (oïl > oui) ou lingua Oytana

(oïl < hoc ille (hoc illic), qui occupe la partie nord de la France

d’aujourd’hui, et langue d’oc ou lingua Occitana (oc < hoc) qui occupe

la partie sud, la Provence.

La langue d’oïl (future langue française), non enseignée, n’est pas

unifiée, mais se présente comme un ensemble de dialectes. Il s’agit d’un

état de la langue qui est relativement fixé pendant un temps par son emploi

dans la littérature, rayonnant même en dehors de France, dès les XIIe

s. et XIIIe s. En gros c’est la langue de l’Ile-de-France, domaine royal,

qu’on appelle le francien.

Le domaine de la langue d’oïl est la partie centrale, orientale et nordique

de la France qui comprend le duché de Normandie (formé au début

120

du Xe s.), les comtés de Valois, de Vermandois et de Champagne (nord,

nord-est, nord-ouest); les comtés du Maine, d'Anjou, de Touraine, de Blois

(partie centrale), le comté de Poitou (ouest), de Nevers et le duché de

Bourgogne (est). Le domaine royal se trouve au centre du pays et a comme

capitale Paris.

Les différences entre la langue d’oïl et la langue d’oc sont essentiellement

d’ordre phonétique et s’expliquent par l’évolution différente des

voyelles toniques libres, des consonnes intervocaliques et des consonnes

c, g devant a:

Langue d’oïl: sapére > saveir; locare > lo􀀀er; cantare > chanter.

Langue d’oc: sapére > saber; locare > logar; cantare > cantar.

Il est à noter que la réduction des voyelles non accentuées est plus

intense dans la langue d’oïl que dans la langue d’oc:

làcrima > lar􀀀me (FM.)

làcrima >làgrema >lagrèmo (provençal)

La langue d’oc comprend les dialectes suivants: le gascon, le languedocien,

le limousin, l’auvergnat, le provençal, le savoyard, le dauphinois.

La langue d’oïl comprend les dialectes suivants: le champenois, le bourguignon,

le lorrain, le wallon, le picard, le normand, le poitevin, le saintongeois,

au centre de la France – le francien (le dialecte de l’Ile-de-France).

Voilà les traits particuliers propres aux dialectes de la langue d’oïl.

Pour ce qui est de la grammaire, on atteste dans les dialectes du

Nord-Est une seule forme de l’article défini pour le masculin et le féminin:

li om – li vie. En wallon l’imparfait de l’indicatif se terminait en -

eve, et en champenois en bourguignon en -iens: repeteve; cuidiens.

La langue du roi c’est-à-dire celle de l’Ile-de-France, le francien,

commence la lutte contre les autres dialectes parlés en France et contre le

latin. Il gagnera cette lutte au XVIe s. quand il deviendra la langue officielle

de l’Etat français.

Dialectes du Nord-Est Dialectes de l’Ouest

1. La palatalisation des consonnes k, g

devant a: chastel, jambe.

1. Le maintien des consonnes k, g devant

a: castel, gambe

2.L’absence des consonnes

épenthétiques: tremler (trembler), vanra

(vendra).

2. La présence des consonnes

épenthétiques: trembler, viendra.

3. La chute de l devant consonne: atre. 3. La vocalisation de l devant consonne: autre.

4. La conservation de w germanique:

warder, wagnier.

4. La prothèse de g devant w germanique:

warder guarder.

5. Le maintien de la diphtongue ai: faire.

5. La réduction précoce de la diphtongue

ai e: faire fere.

121

Malgré le grand nombre de recherches sur les dialectes il reste encore

beaucoup de problèmes quant à leur classification, le nombre de dialectes,

les zones de leur extension, leurs caractéristiques et leur localisation,

les régions de formation des dialectes. Il n’y a rien d’étonnant que

les groupes de dialectes varient chez des savants: chez G. Paris on en

trouve 5, chez F. Brunot – 9, chez P. Bec – 12.

2. Le problème de la base dialectale de la formation du français

littéraire.

Quant au terme «ancien français» il s’agit le plus souvent d’un état

de la langue relativement fixé pendant un certain temps par son emploi

dans la littérature dès les XIIe s. – XIIIe ss. avec comme base dialectale

le francien – le dialecte de l’Ile-de-France.

Plusieurs savants (G. Paris, V. Meiller-Lubke, F. Brunot E. Bourcier)

voyaient dans la langue de l’Ile-de-France (le francien) la base

dialectale du français littéraire grâce au renforcement du pouvoir royal

des Capétiens. Etant donné qu’à cette époque la notion de la norme linguistique

n’existe pas encore, les scribes qui font les copies des manuscrits

suivent les règles existant dans de nombreux centres (écoles) renommés

au Moyen Âge: Corbie, Saint-Denis, Cluny, Fleury, Marmoutier,

Mont Saint-Michel, dispersés un peu partout au Nord de la France. Plusieurs

dialectes possèdent leur forme écrite qui s’appelle scipta (du latin

scriptum - écrit). La notion de scripta comprend les particularités de la

tradition écrite régionale.

A l’époque de l’ancien français les scripta les plus connues sont les

suivantes: scripta de l’est, scriptae de l’ouest, scripta centrale, scriptae

picarde et champenoise.

Par exemple, la chanson de Roland représente la scripta anglo-normande,

la Séquence de Saint-Eulalie – la scripta picardo-wallonaise. Certains

dialectes ont donné naissance à de nombreux chefs-d’oeuvre (Chrétien

de Troyes écrit en champenois, Marie de France en anglo-normand).

Cependant, une analyse minutieuse des manuscrits fait voir l’origine

francienne de la plupart des anciens textes. Cela s’explique par le

prestige, l’autorité et la superiorité de l’Ile-de-France et de son centre

Paris – le modèle de la langue que les scribes trouvent plus correcte et

plus digne à l’échelle sociale. Les documents écrits témoignent du fait

que cette école unique du centre de France se trouve dans l’abbaye Saint-

Denis (fondée au Ve s.) près de Paris. Elle est restée le centre le plus

important de langue écrite durant les VIIe – XIVe ss.

D’autres savants tel N.A. Catagochtchina estiment que le rôle important

dans la formation du français littéraire appartient au groupe de

122

dialectes de l’Ouest, le normand à leur tête. Depuis la formation du puissant

duché de Normandie le normand (et sa version d’outre-mer – l’anglonormand)

rivalise avec le francien, mais finalement perd la bataille. Le

rôle du francien toujours croissant s’explique par l’unification des terres

autour de Paris (XIIe – XIIIe ss.).

3. Le français et le latin: l’expansion du français.

L’usage de l’ancien français est assez restreint, limité essentiellement

par l’emploi oral, car le rôle de langue écrite appartient, à cette époque-là,

en France comme partout en Europe occidentale, au latin. Ce dernier est,

pendant tout le Moyen Age, langue de culture, de science, de correspondance

officielle; c’est aussi langue de l’église et langue d’Etat. La langue

de Rome représente, après l’invasion barbare, ce qui reste encore de science

ou de littérature; elle garde le feu sacré du génie humain.

Dans le domaine littéraire ce n’est qu’à partir de la fin du XIIe s. – du

début du XIIIe s. que l’emploi de la langue «vulgaire» est accepté dans des

sphères administratives. Dès le XIIe s. et surtout au XIIIe s. le francien étend

son emploi et apparaît dans les oeuvres littéraires. Cette littérature est d’abord

limitée aux poèmes, étendue ensuite à des récits en prose et à des pièces de

théâtre, mais n’abordant pas les matières savantes qui restent réservées au latin.

L’expansion du français s’explique par une multiplicité de facteurs.

Facteur géographique: la vaste étendue sur laquelle une langue commune

peut être comprise lui donne un caractère véhiculaire.

Facteur économique: le français devient la langue commune des

marchands, et, dans le monde des affaires, occupe au XIIIe s. la même

place que l’anglais de nos jours. De grandes foires s’organisent en France,

attirant des foules cosmopolites et nécessitent une langue véhiculaire.

Facteur politique: le prestige des Capétiens est renforcé par une politique

de mariages de princesses françaises qui amènent avec elles les moeurs,

la culture et le langage de leur pays dans plusieurs états d’Europe.

Facteur démographique: le royaume de France (6 000 000 d’habitants

vers l’an 1000) devient le plus peuplé d’Europe.

Facteurs culturels: répartie en divers collèges, dont la Sorbonne

(XIIIe s.), l’université de Paris est l’une des plus réputées. Citons «Speculum

regale», un manuel d’éducation norvégien (1240): «Si tu veux être

parfait en sciences, apprends toutes les langues, mais avant tout le latin

et le français, car ce sont les plus répandues».

Questions ( * - questions demandant des réflexions)

I. 1. Quelles sont les limites temporelles de l’ancien français?

Quels documents marquent le début de la langue française?

123

Le territoire de France reste-t-il le même durant les IXe – XIIIe ss.?

* Comment change-t-il durant ces cinq siècles? * Quels événements politiques,

économiques, sociaux favorisaient l’extension du royaume français?

* Quels étaient les ennemis extérieurs et interieurs les plus redoutables

de l’Etat français de l’époque?

A quoi est due la faiblesse (économique, politique) de l’Etat français

de l’époque?

2. Qui sont les Normands?

Quelle province française doit son nom aux Normands? Où est-elle

sutiée? Quelle place occupait le français dans l’état anglais aux XIe – XIIIe ss.?

3. Quels sont les résultats économiques, politiques, culturels, scientifiques

et linguistiques des Croisades?

* Comment les Croisades ont-elles contribué à unir la nation française

et à niveler les divergences dialectales?

* Les chevaliers français, qu’ont-ils apporté des Croisades?

4. Comment changeait la structure sociale durant les IXe – XIIIe ss.?

(Quelles sont les principales classes sociales de la première moitié de l’époque

étudiée? Quelles sont les principales classes sociales de la deuxième

moitié de l’époque étudiée? Comment le développement des villes a-t-il

transformé les rapports sociaux?)

* Pourquoi la structure sociale a-t-elle changé de la sorte?

* A quoi aspiraient les nouvelles élites, les bourgeois?

II. 1. Comment se développent les arts et les sciences aux IXe –

XIIIe ss.?

* Quels sont les événements qui ont eu un retentissement particulier

sur la mentalité et la littérature de l’époque?

2. Quelles fonctions assumait la littérature dans la société médiévale?

Quelle était la première langue littéraire en Europe?

* Pourquoi les premiers textes sont-ils anonymes?

Qui participe à la création des oeuvres littéraires durant le Haut

Moyen Age?

Dans quelle oeuvre célèbre-t-on Charlemagne et et ses preux?

Comment évoluaient les genres littéraires de l’époque étudiée?

Quels sont les principaux genres littéraires de la première moitié de

l’époque étudiée?

Quels sont les principaux genres littéraires de la deuxième moitié de

l’époque étudiée?

Pourquoi les goûts littéraires des Français commencent-ils à se transformer

dès les XIe – XII e ss.?

La littérature française de l’époque étudiée, est-elle riche?

124

III. 1. Quels sont les plus importants groupes de dialectes de la

langue d’oïl? Précisez leurs particularités phonétiques et morphologiques.

* Pourquoi «l’ancien français» est-il une espèce d’abstraction? Etaitce

une langue unifiée, codifiée, parlée dans tous les coins du royaume

français?

* Pourquoi la France était-elle divisée linguistiquement en deux parties:

le pays de langue d’oïl et le pays de langue d’oc? Est-elle de longue

date? Cette division se ressent-elle de nos jours?

2. Quelle est la base dialectale du français moderne? Est-ce un seul

dialecte?

Qu’est-ce une scripta?

3. La langue officielle de l’époque, est-ce le français?

Pourquoi, comment et quand l’emploi de l’ancien français s’étend-il?

Devoirs

1. Définissez: un clerc, un dialecte, la langue d’oïl, la langue d’oc, la

scripta; les genres littéraires: une chanson de geste, un jeu, un miracle, un

mistère, un lai, un roman courtois, un roman breton, les chroniques, une fable,

un fabliau, un dit satirique, une farce, une sottie, un drame, une comédie

2. Traduisez en russe «Lorraine». Laquelle de deux langues – russe

ou française – a gardé une appellation plus ancienne? * Pourquoi? Expliquez

les mutations phonétiques grâce auxquelles «Lotharingie» s’est transformée

en «Lorraine».

3. Expliquez l’étymologie du mot Normandie (voir I. 2.).

4. * L’anglais est une langue germanique, le français est une langue

romane. Pouvez-vous expliquer pourquoi en anglais il y a tant de mots

que les Français peuvent reconnaître? (voir I.2)

5. Expliquez pourquoi les textes médiévaux rédigés à la main sont

appelés «manuscrits».

6. Expliquez pourquoi les ateliers médiévaux où les clercs copiaent

ou écrivaient les textes sont appelés «scriptoria».

7. Imaginez qu’un jour du Xe s. un paysan provençal, un paysan

breton et un paysan champenois se rencontrent. Auraient-ils pu se communiquer?

Une telle rencontre, airait-elle été possible? (voir III. 1.)

8. Quels sont les dialectes qui ont participé à la formation du français?

Pourquoi ces dialectes? A l’aide du schéma comparatif des traits

particuliers des dialectes prouvez que le français moderne est issu essentiellement

du francien. (voir III.1.2)

9. Etudiez l’étymologie des mots trouvère et troubadour: le latin tropare

«composer des tropes [des airs de musique]» a donné trobar, donc

troubadour en langue d’oc, et trouver, donc trouvère en langue d’oïl.

125

Nommez les processus phonétiques qui ont transformé l’étymon latin

trobar en trouvère et troubadour; trouvez dans les mots trouvère et

troubadour les traits qui sont propres à la langue d’oïl et ceux qui sont

propres à la langue d’oc. (voir III. 1)

Cours théorique 6

L’ancien français: Les changements phonétiques

L’objectif d’étude

Apprendre les particularités phonétiques de l’ancien français

L’apprenant doit savoir donner la définition des termes suivants:

un changement paradigmatique / un chagement syntagmatique, un phonème,

une diphtongue (spontanée, combinatoire), la diphtongaison, une

monophtongue, la monophtongaison, une (consonne) affriquée, une (consonne)

interdentale, un groupe consonantique primaire / secondaire, la

palatalisation, la nasalisation, l’aperture, la réduction (partielle / complète),

la spirantisation, la vocalisation (partielle / complète), la sonorisation,

l’assimilation (partielle / complète) / la dissimilation

L’apprenant doit savoir

Les principaux changements paradigmatiques et syntagmatiques des

voyelles

Les principaux changements paradigmatiques et syntagmatiques des

consonnes

Les principales tendances phonétiques de l’époque

Les principes d’orthographe de l’ancien français

L’apprenant doit savoir faire

Analyser les mutations phonétiques de l’ancien français

Expliquer les causes des transformations phonétiques survenues en

ancien français

Analyser les aboutissements morphologiques des changements phonétiques

Etablir les relations structurales entre les changements tenant compte

de leur caractère systhématique

Déterminer les origines (celtiques, germaniques) des transformations

phonétiques

Analyser les principes d’orthographe réalisés dans les anciens mots

126

Plan

I. Les changements vocaliques.

1. Les changements paradigmatiques des voyelles.

2. Les changements syntagmatiques des voyelles.

II. Les changements consonantiques.

1. Les changements paradigmatiques des consonnes.

2. Les changements syntagmatiques des consonnes.

III. L’orthographe de l’ancien français.

L’ancien français est la période où le français se façonne avec la

plus grande intensité.

Les changements phonétiques essentiels des voyelles et des consonnes

sont presque les mêmes que ceux des époques précédentes: la diphtongaison, la

monophtongaison, la vocalisation, la nasalisation, la palatalisation. Mais leur

ampleur, ainsi que leurs orientations diffèrent de celles des époques précédentes.

I. Les changements vocaliques.

1. Les changements paradigmatiques des voyelles.

Les principaux changements paradigmatiques des voyelles de l’époque

étudiée sont les suivants:

– la diphtongaison;

– la monophtongaison;

– la nasalisation.

La diphtongaison

Rappelons qu’en latin vulgaire et en gallo-roman il s’est formé deux

séries de diphtongues. Le système vocalique de l’ancien français comporte

donc quatre diphtogues spontanées: ue, ie, eu, ei.

A côté des diphtongues spontanées il existe en ancien français un

certain nombre de diphtongues dites combinatoires, qui se sont formées

sous l’influence des sons voisins:

– devant les consonnes nasales n, m: pane > pain, amas > aimes,

bene > bien;

– à la suite de la palatalisation: mercatu > marchie > marchée;

– à la suite de la vocalisation: fructu > fruit.

La diphtongaison avait connu son essor en latin populaire et en gallo-

roman. L’ancien français est riche en voyelles complexes, mais déjà la

pertinence des diphtongues baisse: les nouvelles diphtongues ne se forment

que rarement, et les voies de leur formation ne sont pas pareilles à

celles du latin vulgaire et du gallo-roman.

A la fin du XIIe s. le développement des diphtongues prend un sens

inverse – elles commencent à se réduire en monophtongues (processus

nommé monophtongaison).

127

La monophtongaison

En ancien français commence un processus opposé à la diphtongaison:

la réduction des diphtongues = la monophtongaison. C’est l’analyse

des graphies et des assonances qui permet d’attester le développement de

ce processus phonétique, par ex., on trouve faire écrit comme faire, feire,

fere. La monophtongaison peut être traitée en tant qu’un phénomène syntagmatique

car à l’époque étudiée elle se produit dans la parole.

Toutes les diphtongues sauf au (on atteste ao encore au XVIe s.)

passent aux monophtongues vers le XIIIe s. Certaines se réduisent totalement

et deviennent des sons simples, mais il y a des diphtongues dont le

premier élément persiste en forme d’une semi-voyelle: i > j, u > w.

La réduction a touché les diphtongues spontanées aussi bien que les

diphtongues combinatoires:

ou > [eu] > [oe]: floures >fleur [fleur] > fleur [floer];

ou > [u]: coup [koup] > coup [kup];

uo > [ue] > [oe]: bovem > buef [buef] > boeuf [boef];

ei > [oi] > [we]: aveir [aveir] > aveir [avoir] > avoir [avwer];

ie > [je]: mel > miel [miel] > miel [mjel].

Les phonèmes j, w, u ne sont pas des phonèmes nouveaux, parce qu’elles

sont connus encore en latin. Le nouveau phonème est un ö, formé à la

suite de la réduction des diphtongues eu, ue. Il est d’une grande valeur

fonctionnelle étant donné sa fréquence importante dans la chaîne parlée.

Les causes de la monophtongaison ne sont pas claires. Certains savants

expliquent cette évolution des voyelles complexes par une tendance

à la régularisation du système vocalique, très riche et peut-être même

surchargé dans la période ancienne, ce qui menaçait d’entraîner des confusions

phonématiques.

D’après F. Brunot et Ch. Bruneau, la monophtongaison est due à

l’influence de l’accent tonique ce qui fait que toute syllabe tend à être

constituée d’une voyelle unique, encadrée ou non de phonèmes consonantiques.

La nasalisation

La nasalisation = la formation des voyelles nasales a passé par trois

étapes.

A. La première nasalisation a touché les voyelles antérieures a, e

dans une syllabe fermée sans tenir compte de l’accent: annu > ãn, ventum

> věnt, sanitatum > sãnte. Cette première nasalisation aurait eu lieu

au début de l’ancien français.

Dans les syllabes ouvertes la nasalisation est suivie de la diphtongaison:

manu > mãn, plena >plìn, cane >chiěn, paganu > payěn, bene>

biěn.

128

B. La deuxième nasalisation a touche la voyelle o, ouverte ou fermée,

qui s’est nasalisée en toute position devant les consonnes nasales: poma >

põme, bonu>bõn, montanea > mõntaigne, cumpanio> cõmpaign.

La nasalisation de la voyelle o s’est produite à la fin du XIIe s.,

selon M. A. Borodina.

En combinaison avec j (yod) se forme la diphtongue õin []:

cotoneu > cõing, pugnu > põing.

Les diphtongues uo, ue se sont nasalisées en uõn, uěn: bona >buõna,

homo > hu m, comes > cu ns.

Ces diphtongues nasalisées se conservent jusqu’à nos jours en picard

et en lorrain.

C. Les voyelles i, u se sont nasalisées les dernières – c’est la troisième

nasalisation: similu > sìnge, vinit > vìng, unu> ün, impruntare > empriünter.

Certains savants situent la troisième étape au XVIe s. (E. Bourciez,

Ch. Bruneau, M. Cohen). Mais il y a d’autres pour qui cette transformation

aurait eu lieu à la fin du XIIIe s. (Kr. Nyrop, G. Straka, K. A. Allendorf,

M. A. Borodina).

Les voyelles et les diphtongues nasalisées se prononçaient avec les

consonnes nasales: bõ.n, põ.me, fã.me. La même prononciation s’est

conservée jusqu’à nos jours à la limite entre les mots dans un syntagme:

un. homme, mon. ami.

Les savants considèrent la nasalisation comme une force conservatrice

qui a préservé les prononciations anciennes. Par ex., la diphtongue

ie ayant disparu dans chief > chef, persiste en sa forme nasalisée) ìě

dans le mot chien. Dans certains cas les diphtongues nasalisées se sont

conservées comme graphiques: main, pain.

La nasalisation change le timbre de la voyelle. L’abaissement du

voile du palais qui se produit pendant la nasalisation nécessite l’abaissement

de la langue, et les voyelles, en se nasalisant, deviennent plus ouvertes:

ì > ě, ě > ã, ü > õe. La tendance à l’aperture a été amorcée dans les

voyelles nasalisées aux XIe – XIIe ss. par l’évolution [ěn] > [ãn]: parent

[par nt] > [parãnt]. C’est par cette évolution que s’expliquent les hésitations

quant à la graphie de cette voyelle nasalisée: on écrivait indifféremment

ante et entes, antrier et entier, etc.

La nasalisation a enrichi donc le vocalisme de l’ancien français de

trois premières voyelles nasales et de diphtongues nasalisées.

2. Les changements syntagmatiques des voyelles.

La réduction partielle et complète des voyelles se poursuit toujours,

réduisant le volume du mot.

129

II. Les changements consonantiques.

1. Les changements paradigmatiques des consonnes.

Le consonantisme de l’ancien français se distingue de celui du latin

vulgaire et du gallo-roman car de nouvelles consonnes apparaissent à la

suite de la palatalisation et la spirantisation.

Les principaux changements paradigmatiques des consonnes sont

les suivants:

– la palatalisation;

– la vocalisation.

La palatalisation

Grâce à la palatalisation il s’est créé en gallo-roman un groupe de

consonnes affriquées ts, dz, tƒ, dj. Ces consonnes existent durant toute la

période de l’ancien français.

Les consonnes palatales l’ et n’ (mouillées) qui se sont formées à la

suite de la mouillure de l et n sous l’influence de j (yod), subsistent en

ancien français :

l + j : filia >fille n + j : montanea > montagne

j + l : vig(i)lare > veiller j+ n : agnellu > agneau

La palatalisation est à la base de quelques changements morphologiques.

Les adjectifs latins à trois terminaisons dont le radical se termine

par k, g subissent un développement différent au féminin et au masculin,

qui dépend de la voyelle suivant k ou g:

Certaines formes seront refaites (régularisées, nivelées) au moyen

français.

La vocalisation

Ce processus phonétique a commencé à l’époque du latin populaire

et se poursuit en ancien français. Certains savants, A. Martinet entre

autres, expliquent la vocalisation par l’influence du substrat celtique.

La vocalisation est un processus de l’assimilation d’une consonne à une

voyelle. On distingue une vocalisation complète et une vocalisation partielle.

La vocalisation complète

La vocalisation complète c’est la transformation d’une consonne

(devant une autre consonne) en une voyelle. Elle enrichit le vocalisme de

nouvelles diphtongues combinatoires. Ainsi la vocalisation contribue-telle

à la formation des diphtongues. Par ex.:

Masculin Féminin

largu > larg > larc larga > large

longu > long > lonc longa > longe

siccu > sec sicca > sèche

130

b > u: tabula > tabla > taula ( > tôle );

g > u: smaragda > esmeragde > esmeraude ( > émeraude );

g > i: nigru > neir; magister > maitre.

l > u: alba > aube ; malva > mauve;

v > u: *avicellu > aucellu ( > oisel > oiseau).

k > i: octo > oit ( > huit); factu (m) > fait ;

La vocalisation de l mérite d’être examinée à part vu sa pertinence

phonologique et grammaticale (les aboutissements morphologiques de la

vocalisation).

La vocalisation se produit devant une consonne à l’intérieur du mot:

saltare > sauter. Donc, le l final subsiste.

La déclinaison des mots en -al, -el en ancien français se présente

comme suit:

De même pour d’autres mots qui se terminent par -al, -el:

Les formes doubles sont restées dans presque tous les noms en -al:

cheval – chevaux. Les formes comme conceus ont disparu, supplantées

par les formes du pluriel refaites sur le singulier conseils. Au contraire,

tous les mots en eau ont eu en français moderne un singulier tiré du

pluriel – château.

La vocalisation partielle (la sonorisation, la spirantisation)

La vocalisation partielle amène le changement de timbre ou d’articulation:

la sonorisation des consonnes surtout intervocaliques:

k > g: pacare > pagare

s > z: rosa > rosa

La spirantisation, de même que la sonorisation peut être envisagée

comme l’assimilation partielle des consonnes aux voyelles ( = vocalisation).

La spirantisation a formé les consonnes interdentales dh [đ], th [],

qui sont les variantes combinatoires de d, t. Elles sont marquées dans

l’écriture par d, dh, th: ajudha, cadhuna, fradre, espathe.

A la fin du XIe s. les consonnes interdentales tendent à disparaître

dans la position intervocalique et à la fin du mot: gaudia > joi􀀀e, viđa >

vi􀀀e, amat [ama] > ame􀀀. Dans le dernier cas il s’agit d’une conson-

Sing. Plur.

C.S. caball(o)s > chevaus caball(u) > cheval

C.R. caball(u) > cheval caball(o)s > chevaus

Sing. Plur.

consiliu > conseil consilios > conceus

castellu > chatel castellos > chateaux

131

ne flective, c’est pourquoi son effacement contribue au nivellement des

flexions verbales au présent de l’indicatif.

L’ancien français possède une expirée d’origine germanique [h]:

helm, hache. Elle est même introduite dans quelques mots d’origine latine:

altu > alt > haut (le cas d’une fausse étymologie).

2. Les changements syntagmatiques des consonnes.

Le changement syntagmatique le plus important de l’époque est la

réduction des consonnes dans les positions faibles:

– intervocaliques;

– dans les groupes consonantiques;

– finales.

La réduction dans les positions intervocaliques

Les consonnes tombent dans les positions intervocaliques: *appodiare

> apoi􀀀er ( > appuyer).

La réduction des groupes consonantiques

La tendance à la réduction des groupes consonantiques porte un

caractère global à l’époque. Elle revêt plusieurs aspects.

A. La réduction atteint les groupes consonantiques primaires et les

groupes consonantiques dits secondaires, c’est-à-dire ceux qui se sont

formés à la suite de la chute des voyelles non accentuées: *deb(i)ta >debte

>de􀀀te, dorsu > do􀀀s, advenire > a􀀀venir, patre >pè􀀀re, galb(i)nu

> *gal􀀀nu >jaune.

Les derniers à se réduire sont les groupes dont le premier élément

est un s (le processus commence au XIe s. et s’achève au XIVe s.e): isle

􀀀le, teste > tê􀀀te.

B. La vocalisation de l (Xe s.) a réduit aussi les groupes consonantiques:

chalt >chaut, val(e)t > vaut. Mais après i et y, la consonne l

suivie d’une autre consonne s’amuït: fils >fis. Le français moderne a

gardé cette ancienne prononciation.

C. Les affriquées étant des sons complexes, peuvent être, elles aussi,

considérées comme des groupes consonantiques: ts, dz, etc. Donc, elles sont

sujettes à la même tendance – la réduction des groupes consonantiques:

[tƒ] > [ƒ]: vacca > vache [vatƒe] > vache [vaƒ]

[dj] > [j] : gamba > jamba [djamba] > jambe [jambe]

[ts] > [s] : caelu > ciel [tsiel] > ciel [siel]

[dz] > [z] : dans les noms de nombre: undecim > onze, quatuordecim

> quatorze

132

Dans ces mots decim > -d’tse > -dze > -ze.

La simplification ( = réduction) des affriquées s’accentue surtout à

la fin du XIIIe s.

D. Les consonnes labialisées [kw], [gw] perdent leur articulation

labiale et passent à [k] et [g] depuis la fin du XIIIe s.: quant [qwant] >

quant [kant], gwere [gwere] >guere [gere].

La consonne gu se rencontre seulement dans les mots germaniques:

guarder, regarder, guerre.

La consonne qu est d’origine latine et ne se rencontre que devant a:

quarel, quant etc. Dans d’autres cas qu > k encore en latin populaire ce

qui est dû à la palatalisation: quinque > cinq.

La réduction dans les positions finales

Toutes les consonnes finales continuent à s’effacer.

C’est surtout la chute des consonnes finales -s et -t qui a de grosses

conséquences morphologiques, car:

– elle a contribué à l’écroulement de l’ancienne déclinaison: C. S.

murs = C. R. mur;

– elle a amené l’effacement du pluriel des noms: Sing. garçon =

Plur. garçons;

– elle a favorisé l’unification du présent au singulier: (tu) chantes =

(il) chante.

En graphie s se conserve jusqu’à nos jours, tandis que dans la prononciation

il commence à disparaître dès le XIIIe s.

La finale -t ne se prononce plus à partir du XII e s.: (il) chante(t).

III. L’orthographe de l’ancien français.

L’orthographe de l’ancien français est phonétique par excellence, c’està-

dire, la prononciation et l’écriture du mot coïncident: (il) regart [regart].

Questions ( * - questions demandant des réflexions)

I. 1. Quels sont les changements paradigmatiques des voyelles?

* En ancien français la diphtongaison (le processus de la formation des

diphtongues) bat-elle sa pleine? s’accentue-t-elle? décline-t-elle? Pourquoi?

* Quels facteurs externes ont contribué à déclencher la

diphtongaison en latin vulgaire et en gallo-roman? Ont-ils cessé d’agir en

ancien français?

Combien de diphtongues l’ancien français a-t-il perdues?

Quelles sont les voyelles touchées par la première nasalisation?

133

Quelles sont les voyelles touchées par la deuxième nasalisation?

Quelles sont les voyelles touchées par la troisième nasalisation?

Quelles sont les nouvelles voyelles qui se sont formées en ancien

français?

2. Quels sont les changements syntagmatiques des voyelles?

Quels sont les types de réduction?

A quoi aboutit la réduction complète?

Comment les mutations phonétiques ont-elles changé la longueur

du mot?

Comment la réduction des voyelles finales a-t-elle contribué à la

déchéance du système casuel en ancien frnaçais?

II. 1. Quels sont les changements paradigmatiques des consonnes?

Par quoi (par quelles consonnes) le système consonantique de l’ancien

français se distingue-t-il de celui du latin vulgaire?

Par quoi (par quelles consonnes) le système consonantique de l’ancien

français se distingue-t-il de celui du français moderne?

2. Quels sont les changements syntagmatiques des consonnes?

Quels changements syntagmatiques sont surtout importants pour la

morphologie?

III. L’orthographe de l’ancien français, est-elle plus simple ou compliquée

que celle du français moderne? Pourquoi?

Les diphtongues, existent-elles en français moderne? sous quelle

forme: écrite ou orale? A votre avis, faut-il éliminer les diphtongues de

l’écriture? Pourquoi?

Devoirs

1. Définissez: un changement paradigmatique / un chagement syntagmatique,

un phonème, une diphtongue (spontanée, combinatoire), la diphtongaison,

une monophtongue, la monophtongaison, une (consonne) affriquée,

une (consonne) interdentale, un groupe consonantique primaire / secondaire,

la palatalisation, la nasalisation, l’aperture, la réduction (partielle

/ complète), la spirantisation, la vocalisation (partielle / complète), la

sonorisation, l’assimilation (partielle / complète) / la dissimilation

2. Nommez les mutations phonétiques qui sont caractéristiques seulement

à l’ancien français et celles qui représentent l’évolution des transformations

débutées en latin vulgaire ou en gallo-roman; celles qui se

sont achevées en ancien français et celles qui vont encore évoluer.

3. Précisez les origines (latines, celtiques, germaniques) des changements

survenus ou se déroulant à cette époque.

134

4. Par quoi la diphtongaison du latin vulgaire diffère-t-elle de celle

de l’ancien français?

5. Expliquez par quoi et pourquoi la forme du C.S se distingue de

celle du C.R.

6. Nommez les voyelles et les consonnes de l’ancien français que

l’on ne retrouve plus en français moderne.

7. Les mots français les plus anciennement adoptés par l’anglais sont

tower (du fr. tour), table, lamp, gentle (d’abord «bien né», «généreux»,

«de bonne famille», d’où gentleman), forest (fr.m. forêt); to wait. Ces emprunts

sont entrés dans le vocabulaire anglais avant le XIVe s. Prouvez-le.

8. Il y a des milliers de mots passés au cours des siècles du français à

l’anglais. Lorsqu’ils sont revenus en français plusieurs siècles plus tard

sous leur nouvelle forme, parfois on ne les reconnaissait plus (les soi-disant

«allers et retours). Voici quelques mots français qui ont réapparus dans la

langue maternelle après avoir fait le voyage d’outre la Manche:

flirter < fleureter «conter fleurette»;

tennis < «tenetz!», exclamation entendue au jeu de paume au moment

de lancer la balle;

very < véritable: «this very person» < vrai;

cash < caisse;

interview < entrevue;

nurse < nourrice;

rosbif < rostir + buef (AF);

sport < deport (AF) «amusement»;

test «essai» < test (AF) «pot servant à l’essai de l’or».

Observez ces mots et dites comment l’aspect phonétique de ces mots

anglais peut aider à reconstituer les processus phonétiques qui se déroulaient

en ancien français.

Cours théorique 7

L’ancien français: Les changements

morphologiques

L’objectif d’étude

Apprendre les particularités morphologiques de l’ancien français

Sing.

C. S. caball(o)s > chevaus

C.R. caball(u) > cheval

135

L’apprenant doit savoir donner la définition des termes suivants:

la déclinaison, la conjugaison, un cas (cas sujet = cas nominatif, cas

régime = cas oblique), l’analytisme (forme analytique), le synthétisme

(forme synthétique), l’étymologie (forme étymologique), l’analogie, l’alternance,

le radical, la refaite (= le nivellement = la régularisation)

L’apprenant doit savoir

Les principaux changements morphologiques survenus dans le nom,

l’article, l’adjectif, les pronoms, le verbe

Les traits particuliers de la morphologie de l’ancien français

Les principales tendances morphologiques

L’apprenant doit savoir faire

Analyser les changements morphologiques attestés en ancien français

Expliquer les causes des transformations survenues en ancien français

Déterminer les causes de la dégradation du système casuel en ancien

français

Analyser les causes de la conservation des formes casuelles régimes

au détriment de celles du cas sujet; en expliquer les exceptions

Préciser les origines de l’article (défini et indéfini) et ses valeurs en

ancien français

Expliquer les causes du nivellement des formes verbales en ancien

français

Présenter les principales voies du nivellement des formes verbales

en ancien français

Trouver les processus phonétiques qui sont à l’origine des changements

morphologiques

Etablir les relations structurales entre les changements tenant compte

de leur caractère systhématique

Montrer avec des exemples la tendance à la refaite analogique des

formes grammaticales

Plan

I. Le nom.

1. La catégorie du genre.

2. Les catégories du cas et du nombre.

3. Les causes de la dégradation du système casuel en ancien

français.

4. L’influence des changements phonétiques sur l’évolution des

formes casuelles.

II. L’article.

1. Les origines et les formes de l’article.

2. Les valeurs de l’article.

136

III. L’adjectif.

IV. Les pronoms.

1. Les pronoms personnels.

2. Les pronoms possessifs.

3. Les pronoms démonstratifs.

V. Le verbe.

1. Les formes non personnelles du verbes.

2. Les formes personnelles du verbes.

3. Les temps et les modes. La voix.

4. L’alternance des radicaux.

VI. L’adverbe.

L’ancien français reste une langue synthétique par excellence, tout

comme la langue dont il est issu – le latin. Mais les fortes tendances

analytiques qui se sont manifestées en latin vulgaire et allaient se renforçant

en gallo-roman l’amènent à transformer ses formes grammaticales

d’après les modèles analytiques. Cette transformation formelle entraîne à

son tour le développement progressif de nouvelles catégories grammaticales

et la perte des anciennes valeurs grammaticales.

I. Le nom.

Le nom en ancien français possède trois catégories grammmaticales –

la catégorie du genre, du nombre et du cas; la nouvelle catégorie grammaticale

de la détermination / indétermination est en train de se former.

Les principaux changements survenus en ancien français sont les suivants:

– la dégradation continue du système casuel;

– une forte tendance à la reconstruction analogique.

1. La catégorie du genre.

La catégorie du genre se manifeste généralement par l’opposition des

formes casuelles du masculin et du féminin. Cependant, étant donné que le

système casuel se dégrade et tend à disparaître (rappelons que les féminins de

la I déclinaison ne se délclinent plus depuis de latin vulgaire), le genre s’exprime

de plus en plus souvent à l’aide de la flexion -e: cousin / cousine, etc.

Les noms communs animés possèdent des formes différentes: mère /

père, soeur / frère.

2. Les catégories du cas et du nombre.

Le cas

En ancien français il y a quatre formes casuelles: les formes du

nominatif (cas sujet singulier / pluriel) et celles du cas oblique (cas régime

singulier / pluriel).

137

Le paradigme de la déclinaison des noms en ancien français se réduit

à trois types étymologiques.

Les m a s c u l i n s

A. Le type murs (dit croisé)

B. Le type pere (dit angulaire)

C. Le type ber (les noms i m p a r i s y l l a b i q u e s)

(неравносложные)

Les f é m i n i n s

A. Le type rose

B. Le type flour(s)

C. Le type suer

Sing. Plur.

Cas sujet (nominatif) murs mur

Cas régime (oblique) mur murs

Sing. Plur.

Cas sujet (nominatif) arbre arbre

Cas régime (oblique) arbre arbres

Sing. Plur.

Cas sujet (nominatif) sire segneur

Cas régime (oblique) segneur segneurs

Sing. Plur.

Cas sujet (nominatif) rose roses

Cas régime (oblique) rose roses

Sing. Plur.

Cas sujet (nominatif) flour flours

Cas régime (oblique) flour flours

Sing. Plur.

Cas sujet (nominatif) suer serour

Cas régime (oblique) serour serours

138

Le nombre

En ancien français la flexion -s n’est pas encore une marque du

pluriel, au moins, pour les noms du masculin. Cela se voit sur la déclinaison

des masculins du premier type:

Dans la forme chiens la désinence -s peut marquer le singulier aussi

bien que le pluriel.

Ce n’est qu’en moyen français que la catégorie du nombre sera représentée

dans l’opposition privative des formes du singulier et du pluriel:

si le singulier est exprimé par l’absence de -s, le pluriel est marqué

par la présence de -s.

3. Les causes de la dégradation du système casuel en ancien

français.

Les manuscrits de l’époque témoignent d’une forte tendance à refaire

(à niveler, à régulariser) les formes casuelles. Ces textes font voir de

nombreuses fluctuations de la langue quant au modèle de déclinaison à

choisir. Le schéma ci-dessous représente ces fluctuations.

II type: pere

La loi d’analogie unifie dès le XIIe s. tout le système de la déclinaison

des masculins en ancien français d’après le type murs.

C’est dans l’anglo-normand que la déclinaison disparaît d’abord.

Eteinte dans la langue littéraire, la déclinaison vit encore de nos jours

dans quelques patois franco-provençaux.

Les causes de la dégradation du système casuel en ancien français

A. Le nombre minimal de moyens flexionnels: en ancien français il

n’y a qu’une seule opposition casuelle: flexion -s / flexion zéro.

B. L’imperfection du système casuel: il n’embrasse pas tous les noms

(par ex., les féminins ne se déclinaient pas depuis le latin vulgaire). Pendant

un certain temps cette imperfection est équilibrée par la déclinaison

des articles, ainsi les noms masculins se déclinaient «de deux côtés»:

mutation flexionnelle du nom et mutation de l’article masculin.

Sing. Plur.

Cas sujet (nominatif) chiens chien

Cas régime (oblique) chien chiens

Cas sujet 1. pere pere 2. pere peres 3. peres pere

Cas régime pere peres pere peres pere peres

139

Par exemple, la seule forme murs sert à exprimer deux séries de

valeurs: 1. C. S. singulier et 2. C. R. pluriel. Pour distinguer ces deux

formes et ces deux séries de valeurs la langue recourt aux formes casuelles

de l’article:

C. Une double expression flexionnelle de la déclinaison devient un

moyen redondant (excessif) quand s’impose une stabilité quoique relative

dans l’ordre des mots «sujet – verbe – objet» et l’emploi régulier des

prépositions à et de.

D. La flexion -s est surchargée de catégories grammaticales, parce

qu’elle assume à la fois les fonctions casuelles et celles de la catégorie du

nombre. Au surplus, en tant que marque casuelle, -s possède des valeurs

opposées, indiquant au singulier le cas sujet, au pluriel – le cas régime.

En abandonnant la déclinaison la langue a priviligié les formes du

cas régime qui se sont gardées jusqu’à nos jours. Cela est dû au fait que

dans le discours les formes du cas oblique s’emploient plus souvent que

les formes du cas sujet.

Une exception a lieu, pour un nombre restreint de substantifs, qui se

conservent sous la forme du cas sujet. Ce sont les noms tels que Charles,

Georges, où l’-s casuel s’est fixé, de même que les noms communs: fils,

gars, soeur, sire, etc.