- •2. Les sciences linguistiques historiques.
- •2. La langue et la parole.
- •2. La synchronie et la diachronie.
- •Il existe deux approches pour effectuer l’analyse diachronique:
- •II. Les particularités morphologique de la langue française.
- •Ignorée des Celtes. La défaite des Gaulois s’explique en plus par une absence
- •III. La crise de l’Empire romain (iIe –Ve ss. De n. Ère).
- •IV. Les sources de nos connaissances sur latin vulagire.
- •1903) A rassemblé dans le Corpus inscriptionum latinarum en 16 volumes
- •Isula lv, etc.
- •Vulgaire tend à refaire ce système et le rendre plus simple, homogène,
- •II. Les particularités de la syntaxe du latin vulgaire.
- •Venit amicus ? lv. Le nombre de tours et de mots interrogatifs diminue.
- •Vulgaire n’en avaient pas besoin vu le déclin des arts et des sciences à l’époque.
- •Il a apparu un nouveau suffixe -iscus.
- •813 Prescrit aux prêtres de traduire «leurs homélies latines» et de prêcher
- •III. Les sources de nos connaissances sur le gallo-roman.
- •2. L’adjectif.
- •3. Les pronoms.
- •4. Le verbe.
- •5. L’adverbe.
- •Infinitivo» et «Nominativus cum infinitivo» sont oubliées, tombées en
- •Indépendant.
- •2. Les invasions des Normands et leurs conséquences linguisques.
- •XVe s., une présence constante de la culture française et de la langue qui
- •3. Les Croisades.
- •XiIe ss.) l’idéal change, la chanson de geste s’adoucit. C’est le temps des
- •Vivant comme des humains. Marie de France compose en anglo-normand
- •4. L’influence des changements phonétiques sur l’évolution des
- •2. La formation de (des) l’mots nouveaux.
- •Interne)
- •2. La guerre de Cent Ans (1337 – 1453).
- •1Er groupe est devenu homogène, parce que constitué d’un seul type
- •2. Les changements syntagmatiques des consonnes.
- •III. Le changement du type de l’accentuation. La liaison.
- •Il s’est avéré qu’une valeur grammaticale (par ex., celle du sujet)
- •Vu l’amuïssement du -t final à partir du xiIe s., les formes de la 1ière
- •Isbn 978-985-515-328-4
Vivant comme des humains. Marie de France compose en anglo-normand
ses Isopets. Ces fables ont inspiré un des chefs-d’oeuvre du Moyen Age,
le Roman de Renart.
Les chroniques
Un autre genre spécifique de la littérature médiévale, les chroniques,
doivent leur naissance aux Croisades. Parmi les chroniqueurs éminents
de l’époque les noms de Geoffroi de Villehardouin et de Jean de
Joinville méritent d’être mentionnés.
Le théâtre
Le théâtre au Moyen Age se compose d’un théâtre religieux incarné
dans les mystères et d’un théâtre profane illustré par la farce et la sotie.
Les premières pièces de théâtre du Moyen Äge sont liées aux cérémonies
du culte. Le spectacle se déroule dans l’église et en latin. La musique
accompagne régulièrement les prières et les louanges adressées à
Dieu et à Marie.
Peu à peu, les conditions de représentation changent; on invente de
décor multiple, on sort de l’église, et on joue sur le pavis. Les acteurs
sont désormais des clercs, organisés en troupes, et, à partir du XIIe s., le
français remplace le latin.
Le texte même du spectacle évolue: de plus en plus, on mêle des
épisodes drôles, ou grotesques, aux épisodes tirés des Ecritures. Avec le
temps, ces scènes profanes vont constituer un genre définitif, le théâtre
119
comique. Ainsi le théâtre se dégage des cérémonies culturelles et produit
déjà des oeuvre vivantes comme le Jeu de Saint Nicolas, de Jean Bodel,
le Jeu de la Feuillée et le Jeu de Robin et Marion, d’Adam.
Parmi les différents spectacles religieux on distingue le jeu, terme le
plus ancien, synonyme de drame, le mystère, qui emprunte son sujet aux
Ecritures, et le miracle, qui raconte la vie d’un saint.
III. La situation linguistique.
1. Le morcellement dialectal.
Le morcellement féodal et le système des fiefs ont engendré l’esprit
particulariste auquel correspond, sur le plan linguistique, une variété de
dialectes. C’est pourquoi la langue française de la période féodale se
caractérise par un grand nombre de dialectes.
Une relative indépendance de la Gaule méridionale aux VIe – VIIIe
ss., ainsi que la séparation du royaume d’Arles du Nord de la France pendant
trois siècles (Xe – XIIIe ss.) ont contribué à l’évolution linguistique
tout à fait différente du latin vulgaire et du gallo-roman au Sud et au Nord
de la Gaule. Les pays de langue d’oc (ou Occitanie) ont eu donc un développement
linguistique différant de celui des pays de la langue d’oïl.
Ainsi, du point de vue linguistique la France médiévale est divisée
en deux grands groupes de dialectes dits langue d’oc et langue d’oïl et
une langue soi-disant intermédiaire – le franco-provençal dont la tradition
écrite et littéraire se centre autour de Lyon. Il faut préciser qu’en
dehors des trois domaines romans il existe alors en France des territoires
où habitent des peuples qui ne sont pas d’expression romane et qui jouissent
d’une autonomie politique assez grande: le duché de Bretagne, situé
au nord-ouest du pays, où l’on parle un idiome celte, et le comté de Flandre,
au nord-est, où la langue est le flamand, idiome germanique.
Rappelons que ces langues sont appelées suivant la forme de la particule
affirmative oui, langue d’oïl (ойль) (oïl > oui) ou lingua Oytana
(oïl < hoc ille (hoc illic), qui occupe la partie nord de la France
d’aujourd’hui, et langue d’oc ou lingua Occitana (oc < hoc) qui occupe
la partie sud, la Provence.
La langue d’oïl (future langue française), non enseignée, n’est pas
unifiée, mais se présente comme un ensemble de dialectes. Il s’agit d’un
état de la langue qui est relativement fixé pendant un temps par son emploi
dans la littérature, rayonnant même en dehors de France, dès les XIIe
s. et XIIIe s. En gros c’est la langue de l’Ile-de-France, domaine royal,
qu’on appelle le francien.
Le domaine de la langue d’oïl est la partie centrale, orientale et nordique
de la France qui comprend le duché de Normandie (formé au début
120
du Xe s.), les comtés de Valois, de Vermandois et de Champagne (nord,
nord-est, nord-ouest); les comtés du Maine, d'Anjou, de Touraine, de Blois
(partie centrale), le comté de Poitou (ouest), de Nevers et le duché de
Bourgogne (est). Le domaine royal se trouve au centre du pays et a comme
capitale Paris.
Les différences entre la langue d’oïl et la langue d’oc sont essentiellement
d’ordre phonétique et s’expliquent par l’évolution différente des
voyelles toniques libres, des consonnes intervocaliques et des consonnes
c, g devant a:
Langue d’oïl: sapére > saveir; locare > loer; cantare > chanter.
Langue d’oc: sapére > saber; locare > logar; cantare > cantar.
Il est à noter que la réduction des voyelles non accentuées est plus
intense dans la langue d’oïl que dans la langue d’oc:
làcrima > larme (FM.)
làcrima >làgrema >lagrèmo (provençal)
La langue d’oc comprend les dialectes suivants: le gascon, le languedocien,
le limousin, l’auvergnat, le provençal, le savoyard, le dauphinois.
La langue d’oïl comprend les dialectes suivants: le champenois, le bourguignon,
le lorrain, le wallon, le picard, le normand, le poitevin, le saintongeois,
au centre de la France – le francien (le dialecte de l’Ile-de-France).
Voilà les traits particuliers propres aux dialectes de la langue d’oïl.
Pour ce qui est de la grammaire, on atteste dans les dialectes du
Nord-Est une seule forme de l’article défini pour le masculin et le féminin:
li om – li vie. En wallon l’imparfait de l’indicatif se terminait en -
eve, et en champenois en bourguignon en -iens: repeteve; cuidiens.
La langue du roi c’est-à-dire celle de l’Ile-de-France, le francien,
commence la lutte contre les autres dialectes parlés en France et contre le
latin. Il gagnera cette lutte au XVIe s. quand il deviendra la langue officielle
de l’Etat français.
Dialectes du Nord-Est Dialectes de l’Ouest
1. La palatalisation des consonnes k, g
devant a: chastel, jambe.
1. Le maintien des consonnes k, g devant
a: castel, gambe
2.L’absence des consonnes
épenthétiques: tremler (trembler), vanra
(vendra).
2. La présence des consonnes
épenthétiques: trembler, viendra.
3. La chute de l devant consonne: atre. 3. La vocalisation de l devant consonne: autre.
4. La conservation de w germanique:
warder, wagnier.
4. La prothèse de g devant w germanique:
warder guarder.
5. Le maintien de la diphtongue ai: faire.
5. La réduction précoce de la diphtongue
ai e: faire fere.
121
Malgré le grand nombre de recherches sur les dialectes il reste encore
beaucoup de problèmes quant à leur classification, le nombre de dialectes,
les zones de leur extension, leurs caractéristiques et leur localisation,
les régions de formation des dialectes. Il n’y a rien d’étonnant que
les groupes de dialectes varient chez des savants: chez G. Paris on en
trouve 5, chez F. Brunot – 9, chez P. Bec – 12.
2. Le problème de la base dialectale de la formation du français
littéraire.
Quant au terme «ancien français» il s’agit le plus souvent d’un état
de la langue relativement fixé pendant un certain temps par son emploi
dans la littérature dès les XIIe s. – XIIIe ss. avec comme base dialectale
le francien – le dialecte de l’Ile-de-France.
Plusieurs savants (G. Paris, V. Meiller-Lubke, F. Brunot E. Bourcier)
voyaient dans la langue de l’Ile-de-France (le francien) la base
dialectale du français littéraire grâce au renforcement du pouvoir royal
des Capétiens. Etant donné qu’à cette époque la notion de la norme linguistique
n’existe pas encore, les scribes qui font les copies des manuscrits
suivent les règles existant dans de nombreux centres (écoles) renommés
au Moyen Âge: Corbie, Saint-Denis, Cluny, Fleury, Marmoutier,
Mont Saint-Michel, dispersés un peu partout au Nord de la France. Plusieurs
dialectes possèdent leur forme écrite qui s’appelle scipta (du latin
scriptum - écrit). La notion de scripta comprend les particularités de la
tradition écrite régionale.
A l’époque de l’ancien français les scripta les plus connues sont les
suivantes: scripta de l’est, scriptae de l’ouest, scripta centrale, scriptae
picarde et champenoise.
Par exemple, la chanson de Roland représente la scripta anglo-normande,
la Séquence de Saint-Eulalie – la scripta picardo-wallonaise. Certains
dialectes ont donné naissance à de nombreux chefs-d’oeuvre (Chrétien
de Troyes écrit en champenois, Marie de France en anglo-normand).
Cependant, une analyse minutieuse des manuscrits fait voir l’origine
francienne de la plupart des anciens textes. Cela s’explique par le
prestige, l’autorité et la superiorité de l’Ile-de-France et de son centre
Paris – le modèle de la langue que les scribes trouvent plus correcte et
plus digne à l’échelle sociale. Les documents écrits témoignent du fait
que cette école unique du centre de France se trouve dans l’abbaye Saint-
Denis (fondée au Ve s.) près de Paris. Elle est restée le centre le plus
important de langue écrite durant les VIIe – XIVe ss.
D’autres savants tel N.A. Catagochtchina estiment que le rôle important
dans la formation du français littéraire appartient au groupe de
122
dialectes de l’Ouest, le normand à leur tête. Depuis la formation du puissant
duché de Normandie le normand (et sa version d’outre-mer – l’anglonormand)
rivalise avec le francien, mais finalement perd la bataille. Le
rôle du francien toujours croissant s’explique par l’unification des terres
autour de Paris (XIIe – XIIIe ss.).
3. Le français et le latin: l’expansion du français.
L’usage de l’ancien français est assez restreint, limité essentiellement
par l’emploi oral, car le rôle de langue écrite appartient, à cette époque-là,
en France comme partout en Europe occidentale, au latin. Ce dernier est,
pendant tout le Moyen Age, langue de culture, de science, de correspondance
officielle; c’est aussi langue de l’église et langue d’Etat. La langue
de Rome représente, après l’invasion barbare, ce qui reste encore de science
ou de littérature; elle garde le feu sacré du génie humain.
Dans le domaine littéraire ce n’est qu’à partir de la fin du XIIe s. – du
début du XIIIe s. que l’emploi de la langue «vulgaire» est accepté dans des
sphères administratives. Dès le XIIe s. et surtout au XIIIe s. le francien étend
son emploi et apparaît dans les oeuvres littéraires. Cette littérature est d’abord
limitée aux poèmes, étendue ensuite à des récits en prose et à des pièces de
théâtre, mais n’abordant pas les matières savantes qui restent réservées au latin.
L’expansion du français s’explique par une multiplicité de facteurs.
Facteur géographique: la vaste étendue sur laquelle une langue commune
peut être comprise lui donne un caractère véhiculaire.
Facteur économique: le français devient la langue commune des
marchands, et, dans le monde des affaires, occupe au XIIIe s. la même
place que l’anglais de nos jours. De grandes foires s’organisent en France,
attirant des foules cosmopolites et nécessitent une langue véhiculaire.
Facteur politique: le prestige des Capétiens est renforcé par une politique
de mariages de princesses françaises qui amènent avec elles les moeurs,
la culture et le langage de leur pays dans plusieurs états d’Europe.
Facteur démographique: le royaume de France (6 000 000 d’habitants
vers l’an 1000) devient le plus peuplé d’Europe.
Facteurs culturels: répartie en divers collèges, dont la Sorbonne
(XIIIe s.), l’université de Paris est l’une des plus réputées. Citons «Speculum
regale», un manuel d’éducation norvégien (1240): «Si tu veux être
parfait en sciences, apprends toutes les langues, mais avant tout le latin
et le français, car ce sont les plus répandues».
Questions ( * - questions demandant des réflexions)
I. 1. Quelles sont les limites temporelles de l’ancien français?
Quels documents marquent le début de la langue française?
123
Le territoire de France reste-t-il le même durant les IXe – XIIIe ss.?
* Comment change-t-il durant ces cinq siècles? * Quels événements politiques,
économiques, sociaux favorisaient l’extension du royaume français?
* Quels étaient les ennemis extérieurs et interieurs les plus redoutables
de l’Etat français de l’époque?
A quoi est due la faiblesse (économique, politique) de l’Etat français
de l’époque?
2. Qui sont les Normands?
Quelle province française doit son nom aux Normands? Où est-elle
sutiée? Quelle place occupait le français dans l’état anglais aux XIe – XIIIe ss.?
3. Quels sont les résultats économiques, politiques, culturels, scientifiques
et linguistiques des Croisades?
* Comment les Croisades ont-elles contribué à unir la nation française
et à niveler les divergences dialectales?
* Les chevaliers français, qu’ont-ils apporté des Croisades?
4. Comment changeait la structure sociale durant les IXe – XIIIe ss.?
(Quelles sont les principales classes sociales de la première moitié de l’époque
étudiée? Quelles sont les principales classes sociales de la deuxième
moitié de l’époque étudiée? Comment le développement des villes a-t-il
transformé les rapports sociaux?)
* Pourquoi la structure sociale a-t-elle changé de la sorte?
* A quoi aspiraient les nouvelles élites, les bourgeois?
II. 1. Comment se développent les arts et les sciences aux IXe –
XIIIe ss.?
* Quels sont les événements qui ont eu un retentissement particulier
sur la mentalité et la littérature de l’époque?
2. Quelles fonctions assumait la littérature dans la société médiévale?
Quelle était la première langue littéraire en Europe?
* Pourquoi les premiers textes sont-ils anonymes?
Qui participe à la création des oeuvres littéraires durant le Haut
Moyen Age?
Dans quelle oeuvre célèbre-t-on Charlemagne et et ses preux?
Comment évoluaient les genres littéraires de l’époque étudiée?
Quels sont les principaux genres littéraires de la première moitié de
l’époque étudiée?
Quels sont les principaux genres littéraires de la deuxième moitié de
l’époque étudiée?
Pourquoi les goûts littéraires des Français commencent-ils à se transformer
dès les XIe – XII e ss.?
La littérature française de l’époque étudiée, est-elle riche?
124
III. 1. Quels sont les plus importants groupes de dialectes de la
langue d’oïl? Précisez leurs particularités phonétiques et morphologiques.
* Pourquoi «l’ancien français» est-il une espèce d’abstraction? Etaitce
une langue unifiée, codifiée, parlée dans tous les coins du royaume
français?
* Pourquoi la France était-elle divisée linguistiquement en deux parties:
le pays de langue d’oïl et le pays de langue d’oc? Est-elle de longue
date? Cette division se ressent-elle de nos jours?
2. Quelle est la base dialectale du français moderne? Est-ce un seul
dialecte?
Qu’est-ce une scripta?
3. La langue officielle de l’époque, est-ce le français?
Pourquoi, comment et quand l’emploi de l’ancien français s’étend-il?
Devoirs
1. Définissez: un clerc, un dialecte, la langue d’oïl, la langue d’oc, la
scripta; les genres littéraires: une chanson de geste, un jeu, un miracle, un
mistère, un lai, un roman courtois, un roman breton, les chroniques, une fable,
un fabliau, un dit satirique, une farce, une sottie, un drame, une comédie
2. Traduisez en russe «Lorraine». Laquelle de deux langues – russe
ou française – a gardé une appellation plus ancienne? * Pourquoi? Expliquez
les mutations phonétiques grâce auxquelles «Lotharingie» s’est transformée
en «Lorraine».
3. Expliquez l’étymologie du mot Normandie (voir I. 2.).
4. * L’anglais est une langue germanique, le français est une langue
romane. Pouvez-vous expliquer pourquoi en anglais il y a tant de mots
que les Français peuvent reconnaître? (voir I.2)
5. Expliquez pourquoi les textes médiévaux rédigés à la main sont
appelés «manuscrits».
6. Expliquez pourquoi les ateliers médiévaux où les clercs copiaent
ou écrivaient les textes sont appelés «scriptoria».
7. Imaginez qu’un jour du Xe s. un paysan provençal, un paysan
breton et un paysan champenois se rencontrent. Auraient-ils pu se communiquer?
Une telle rencontre, airait-elle été possible? (voir III. 1.)
8. Quels sont les dialectes qui ont participé à la formation du français?
Pourquoi ces dialectes? A l’aide du schéma comparatif des traits
particuliers des dialectes prouvez que le français moderne est issu essentiellement
du francien. (voir III.1.2)
9. Etudiez l’étymologie des mots trouvère et troubadour: le latin tropare
«composer des tropes [des airs de musique]» a donné trobar, donc
troubadour en langue d’oc, et trouver, donc trouvère en langue d’oïl.
125
Nommez les processus phonétiques qui ont transformé l’étymon latin
trobar en trouvère et troubadour; trouvez dans les mots trouvère et
troubadour les traits qui sont propres à la langue d’oïl et ceux qui sont
propres à la langue d’oc. (voir III. 1)
Cours théorique 6
L’ancien français: Les changements phonétiques
L’objectif d’étude
Apprendre les particularités phonétiques de l’ancien français
L’apprenant doit savoir donner la définition des termes suivants:
un changement paradigmatique / un chagement syntagmatique, un phonème,
une diphtongue (spontanée, combinatoire), la diphtongaison, une
monophtongue, la monophtongaison, une (consonne) affriquée, une (consonne)
interdentale, un groupe consonantique primaire / secondaire, la
palatalisation, la nasalisation, l’aperture, la réduction (partielle / complète),
la spirantisation, la vocalisation (partielle / complète), la sonorisation,
l’assimilation (partielle / complète) / la dissimilation
L’apprenant doit savoir
Les principaux changements paradigmatiques et syntagmatiques des
voyelles
Les principaux changements paradigmatiques et syntagmatiques des
consonnes
Les principales tendances phonétiques de l’époque
Les principes d’orthographe de l’ancien français
L’apprenant doit savoir faire
Analyser les mutations phonétiques de l’ancien français
Expliquer les causes des transformations phonétiques survenues en
ancien français
Analyser les aboutissements morphologiques des changements phonétiques
Etablir les relations structurales entre les changements tenant compte
de leur caractère systhématique
Déterminer les origines (celtiques, germaniques) des transformations
phonétiques
Analyser les principes d’orthographe réalisés dans les anciens mots
126
Plan
I. Les changements vocaliques.
1. Les changements paradigmatiques des voyelles.
2. Les changements syntagmatiques des voyelles.
II. Les changements consonantiques.
1. Les changements paradigmatiques des consonnes.
2. Les changements syntagmatiques des consonnes.
III. L’orthographe de l’ancien français.
L’ancien français est la période où le français se façonne avec la
plus grande intensité.
Les changements phonétiques essentiels des voyelles et des consonnes
sont presque les mêmes que ceux des époques précédentes: la diphtongaison, la
monophtongaison, la vocalisation, la nasalisation, la palatalisation. Mais leur
ampleur, ainsi que leurs orientations diffèrent de celles des époques précédentes.
I. Les changements vocaliques.
1. Les changements paradigmatiques des voyelles.
Les principaux changements paradigmatiques des voyelles de l’époque
étudiée sont les suivants:
– la diphtongaison;
– la monophtongaison;
– la nasalisation.
La diphtongaison
Rappelons qu’en latin vulgaire et en gallo-roman il s’est formé deux
séries de diphtongues. Le système vocalique de l’ancien français comporte
donc quatre diphtogues spontanées: ue, ie, eu, ei.
A côté des diphtongues spontanées il existe en ancien français un
certain nombre de diphtongues dites combinatoires, qui se sont formées
sous l’influence des sons voisins:
– devant les consonnes nasales n, m: pane > pain, amas > aimes,
bene > bien;
– à la suite de la palatalisation: mercatu > marchie > marchée;
– à la suite de la vocalisation: fructu > fruit.
La diphtongaison avait connu son essor en latin populaire et en gallo-
roman. L’ancien français est riche en voyelles complexes, mais déjà la
pertinence des diphtongues baisse: les nouvelles diphtongues ne se forment
que rarement, et les voies de leur formation ne sont pas pareilles à
celles du latin vulgaire et du gallo-roman.
A la fin du XIIe s. le développement des diphtongues prend un sens
inverse – elles commencent à se réduire en monophtongues (processus
nommé monophtongaison).
127
La monophtongaison
En ancien français commence un processus opposé à la diphtongaison:
la réduction des diphtongues = la monophtongaison. C’est l’analyse
des graphies et des assonances qui permet d’attester le développement de
ce processus phonétique, par ex., on trouve faire écrit comme faire, feire,
fere. La monophtongaison peut être traitée en tant qu’un phénomène syntagmatique
car à l’époque étudiée elle se produit dans la parole.
Toutes les diphtongues sauf au (on atteste ao encore au XVIe s.)
passent aux monophtongues vers le XIIIe s. Certaines se réduisent totalement
et deviennent des sons simples, mais il y a des diphtongues dont le
premier élément persiste en forme d’une semi-voyelle: i > j, u > w.
La réduction a touché les diphtongues spontanées aussi bien que les
diphtongues combinatoires:
ou > [eu] > [oe]: floures >fleur [fleur] > fleur [floer];
ou > [u]: coup [koup] > coup [kup];
uo > [ue] > [oe]: bovem > buef [buef] > boeuf [boef];
ei > [oi] > [we]: aveir [aveir] > aveir [avoir] > avoir [avwer];
ie > [je]: mel > miel [miel] > miel [mjel].
Les phonèmes j, w, u ne sont pas des phonèmes nouveaux, parce qu’elles
sont connus encore en latin. Le nouveau phonème est un ö, formé à la
suite de la réduction des diphtongues eu, ue. Il est d’une grande valeur
fonctionnelle étant donné sa fréquence importante dans la chaîne parlée.
Les causes de la monophtongaison ne sont pas claires. Certains savants
expliquent cette évolution des voyelles complexes par une tendance
à la régularisation du système vocalique, très riche et peut-être même
surchargé dans la période ancienne, ce qui menaçait d’entraîner des confusions
phonématiques.
D’après F. Brunot et Ch. Bruneau, la monophtongaison est due à
l’influence de l’accent tonique ce qui fait que toute syllabe tend à être
constituée d’une voyelle unique, encadrée ou non de phonèmes consonantiques.
La nasalisation
La nasalisation = la formation des voyelles nasales a passé par trois
étapes.
A. La première nasalisation a touché les voyelles antérieures a, e
dans une syllabe fermée sans tenir compte de l’accent: annu > ãn, ventum
> věnt, sanitatum > sãnte. Cette première nasalisation aurait eu lieu
au début de l’ancien français.
Dans les syllabes ouvertes la nasalisation est suivie de la diphtongaison:
manu > mãn, plena >plìn, cane >chiěn, paganu > payěn, bene>
biěn.
128
B. La deuxième nasalisation a touche la voyelle o, ouverte ou fermée,
qui s’est nasalisée en toute position devant les consonnes nasales: poma >
põme, bonu>bõn, montanea > mõntaigne, cumpanio> cõmpaign.
La nasalisation de la voyelle o s’est produite à la fin du XIIe s.,
selon M. A. Borodina.
En combinaison avec j (yod) se forme la diphtongue õin [wě]:
cotoneu > cõing, pugnu > põing.
Les diphtongues uo, ue se sont nasalisées en uõn, uěn: bona >buõna,
homo > hu m, comes > cu ns.
Ces diphtongues nasalisées se conservent jusqu’à nos jours en picard
et en lorrain.
C. Les voyelles i, u se sont nasalisées les dernières – c’est la troisième
nasalisation: similu > sìnge, vinit > vìng, unu> ün, impruntare > empriünter.
Certains savants situent la troisième étape au XVIe s. (E. Bourciez,
Ch. Bruneau, M. Cohen). Mais il y a d’autres pour qui cette transformation
aurait eu lieu à la fin du XIIIe s. (Kr. Nyrop, G. Straka, K. A. Allendorf,
M. A. Borodina).
Les voyelles et les diphtongues nasalisées se prononçaient avec les
consonnes nasales: bõ.n, põ.me, fã.me. La même prononciation s’est
conservée jusqu’à nos jours à la limite entre les mots dans un syntagme:
un. homme, mon. ami.
Les savants considèrent la nasalisation comme une force conservatrice
qui a préservé les prononciations anciennes. Par ex., la diphtongue
ie ayant disparu dans chief > chef, persiste en sa forme nasalisée) ìě
dans le mot chien. Dans certains cas les diphtongues nasalisées se sont
conservées comme graphiques: main, pain.
La nasalisation change le timbre de la voyelle. L’abaissement du
voile du palais qui se produit pendant la nasalisation nécessite l’abaissement
de la langue, et les voyelles, en se nasalisant, deviennent plus ouvertes:
ì > ě, ě > ã, ü > õe. La tendance à l’aperture a été amorcée dans les
voyelles nasalisées aux XIe – XIIe ss. par l’évolution [ěn] > [ãn]: parent
[par nt] > [parãnt]. C’est par cette évolution que s’expliquent les hésitations
quant à la graphie de cette voyelle nasalisée: on écrivait indifféremment
ante et entes, antrier et entier, etc.
La nasalisation a enrichi donc le vocalisme de l’ancien français de
trois premières voyelles nasales et de diphtongues nasalisées.
2. Les changements syntagmatiques des voyelles.
La réduction partielle et complète des voyelles se poursuit toujours,
réduisant le volume du mot.
129
II. Les changements consonantiques.
1. Les changements paradigmatiques des consonnes.
Le consonantisme de l’ancien français se distingue de celui du latin
vulgaire et du gallo-roman car de nouvelles consonnes apparaissent à la
suite de la palatalisation et la spirantisation.
Les principaux changements paradigmatiques des consonnes sont
les suivants:
– la palatalisation;
– la vocalisation.
La palatalisation
Grâce à la palatalisation il s’est créé en gallo-roman un groupe de
consonnes affriquées ts, dz, tƒ, dj. Ces consonnes existent durant toute la
période de l’ancien français.
Les consonnes palatales l’ et n’ (mouillées) qui se sont formées à la
suite de la mouillure de l et n sous l’influence de j (yod), subsistent en
ancien français :
l + j : filia >fille n + j : montanea > montagne
j + l : vig(i)lare > veiller j+ n : agnellu > agneau
La palatalisation est à la base de quelques changements morphologiques.
Les adjectifs latins à trois terminaisons dont le radical se termine
par k, g subissent un développement différent au féminin et au masculin,
qui dépend de la voyelle suivant k ou g:
Certaines formes seront refaites (régularisées, nivelées) au moyen
français.
La vocalisation
Ce processus phonétique a commencé à l’époque du latin populaire
et se poursuit en ancien français. Certains savants, A. Martinet entre
autres, expliquent la vocalisation par l’influence du substrat celtique.
La vocalisation est un processus de l’assimilation d’une consonne à une
voyelle. On distingue une vocalisation complète et une vocalisation partielle.
La vocalisation complète
La vocalisation complète c’est la transformation d’une consonne
(devant une autre consonne) en une voyelle. Elle enrichit le vocalisme de
nouvelles diphtongues combinatoires. Ainsi la vocalisation contribue-telle
à la formation des diphtongues. Par ex.:
Masculin Féminin
largu > larg > larc larga > large
longu > long > lonc longa > longe
siccu > sec sicca > sèche
130
b > u: tabula > tabla > taula ( > tôle );
g > u: smaragda > esmeragde > esmeraude ( > émeraude );
g > i: nigru > neir; magister > maitre.
l > u: alba > aube ; malva > mauve;
v > u: *avicellu > aucellu ( > oisel > oiseau).
k > i: octo > oit ( > huit); factu (m) > fait ;
La vocalisation de l mérite d’être examinée à part vu sa pertinence
phonologique et grammaticale (les aboutissements morphologiques de la
vocalisation).
La vocalisation se produit devant une consonne à l’intérieur du mot:
saltare > sauter. Donc, le l final subsiste.
La déclinaison des mots en -al, -el en ancien français se présente
comme suit:
De même pour d’autres mots qui se terminent par -al, -el:
Les formes doubles sont restées dans presque tous les noms en -al:
cheval – chevaux. Les formes comme conceus ont disparu, supplantées
par les formes du pluriel refaites sur le singulier conseils. Au contraire,
tous les mots en eau ont eu en français moderne un singulier tiré du
pluriel – château.
La vocalisation partielle (la sonorisation, la spirantisation)
La vocalisation partielle amène le changement de timbre ou d’articulation:
la sonorisation des consonnes surtout intervocaliques:
k > g: pacare > pagare
s > z: rosa > rosa
La spirantisation, de même que la sonorisation peut être envisagée
comme l’assimilation partielle des consonnes aux voyelles ( = vocalisation).
La spirantisation a formé les consonnes interdentales dh [đ], th [],
qui sont les variantes combinatoires de d, t. Elles sont marquées dans
l’écriture par d, dh, th: ajudha, cadhuna, fradre, espathe.
A la fin du XIe s. les consonnes interdentales tendent à disparaître
dans la position intervocalique et à la fin du mot: gaudia > joie, viđa >
vie, amat [ama] > ame. Dans le dernier cas il s’agit d’une conson-
Sing. Plur.
C.S. caball(o)s > chevaus caball(u) > cheval
C.R. caball(u) > cheval caball(o)s > chevaus
Sing. Plur.
consiliu > conseil consilios > conceus
castellu > chatel castellos > chateaux
131
ne flective, c’est pourquoi son effacement contribue au nivellement des
flexions verbales au présent de l’indicatif.
L’ancien français possède une expirée d’origine germanique [h]:
helm, hache. Elle est même introduite dans quelques mots d’origine latine:
altu > alt > haut (le cas d’une fausse étymologie).
2. Les changements syntagmatiques des consonnes.
Le changement syntagmatique le plus important de l’époque est la
réduction des consonnes dans les positions faibles:
– intervocaliques;
– dans les groupes consonantiques;
– finales.
La réduction dans les positions intervocaliques
Les consonnes tombent dans les positions intervocaliques: *appodiare
> apoier ( > appuyer).
La réduction des groupes consonantiques
La tendance à la réduction des groupes consonantiques porte un
caractère global à l’époque. Elle revêt plusieurs aspects.
A. La réduction atteint les groupes consonantiques primaires et les
groupes consonantiques dits secondaires, c’est-à-dire ceux qui se sont
formés à la suite de la chute des voyelles non accentuées: *deb(i)ta >debte
>dete, dorsu > dos, advenire > avenir, patre >père, galb(i)nu
> *galnu >jaune.
Les derniers à se réduire sont les groupes dont le premier élément
est un s (le processus commence au XIe s. et s’achève au XIVe s.e): isle
>île, teste > tête.
B. La vocalisation de l (Xe s.) a réduit aussi les groupes consonantiques:
chalt >chaut, val(e)t > vaut. Mais après i et y, la consonne l
suivie d’une autre consonne s’amuït: fils >fis. Le français moderne a
gardé cette ancienne prononciation.
C. Les affriquées étant des sons complexes, peuvent être, elles aussi,
considérées comme des groupes consonantiques: ts, dz, etc. Donc, elles sont
sujettes à la même tendance – la réduction des groupes consonantiques:
[tƒ] > [ƒ]: vacca > vache [vatƒe] > vache [vaƒ]
[dj] > [j] : gamba > jamba [djamba] > jambe [jambe]
[ts] > [s] : caelu > ciel [tsiel] > ciel [siel]
[dz] > [z] : dans les noms de nombre: undecim > onze, quatuordecim
> quatorze
132
Dans ces mots decim > -d’tse > -dze > -ze.
La simplification ( = réduction) des affriquées s’accentue surtout à
la fin du XIIIe s.
D. Les consonnes labialisées [kw], [gw] perdent leur articulation
labiale et passent à [k] et [g] depuis la fin du XIIIe s.: quant [qwant] >
quant [kant], gwere [gwere] >guere [gere].
La consonne gu se rencontre seulement dans les mots germaniques:
guarder, regarder, guerre.
La consonne qu est d’origine latine et ne se rencontre que devant a:
quarel, quant etc. Dans d’autres cas qu > k encore en latin populaire ce
qui est dû à la palatalisation: quinque > cinq.
La réduction dans les positions finales
Toutes les consonnes finales continuent à s’effacer.
C’est surtout la chute des consonnes finales -s et -t qui a de grosses
conséquences morphologiques, car:
– elle a contribué à l’écroulement de l’ancienne déclinaison: C. S.
murs = C. R. mur;
– elle a amené l’effacement du pluriel des noms: Sing. garçon =
Plur. garçons;
– elle a favorisé l’unification du présent au singulier: (tu) chantes =
(il) chante.
En graphie s se conserve jusqu’à nos jours, tandis que dans la prononciation
il commence à disparaître dès le XIIIe s.
La finale -t ne se prononce plus à partir du XII e s.: (il) chante(t).
III. L’orthographe de l’ancien français.
L’orthographe de l’ancien français est phonétique par excellence, c’està-
dire, la prononciation et l’écriture du mot coïncident: (il) regart [regart].
Questions ( * - questions demandant des réflexions)
I. 1. Quels sont les changements paradigmatiques des voyelles?
* En ancien français la diphtongaison (le processus de la formation des
diphtongues) bat-elle sa pleine? s’accentue-t-elle? décline-t-elle? Pourquoi?
* Quels facteurs externes ont contribué à déclencher la
diphtongaison en latin vulgaire et en gallo-roman? Ont-ils cessé d’agir en
ancien français?
Combien de diphtongues l’ancien français a-t-il perdues?
Quelles sont les voyelles touchées par la première nasalisation?
133
Quelles sont les voyelles touchées par la deuxième nasalisation?
Quelles sont les voyelles touchées par la troisième nasalisation?
Quelles sont les nouvelles voyelles qui se sont formées en ancien
français?
2. Quels sont les changements syntagmatiques des voyelles?
Quels sont les types de réduction?
A quoi aboutit la réduction complète?
Comment les mutations phonétiques ont-elles changé la longueur
du mot?
Comment la réduction des voyelles finales a-t-elle contribué à la
déchéance du système casuel en ancien frnaçais?
II. 1. Quels sont les changements paradigmatiques des consonnes?
Par quoi (par quelles consonnes) le système consonantique de l’ancien
français se distingue-t-il de celui du latin vulgaire?
Par quoi (par quelles consonnes) le système consonantique de l’ancien
français se distingue-t-il de celui du français moderne?
2. Quels sont les changements syntagmatiques des consonnes?
Quels changements syntagmatiques sont surtout importants pour la
morphologie?
III. L’orthographe de l’ancien français, est-elle plus simple ou compliquée
que celle du français moderne? Pourquoi?
Les diphtongues, existent-elles en français moderne? sous quelle
forme: écrite ou orale? A votre avis, faut-il éliminer les diphtongues de
l’écriture? Pourquoi?
Devoirs
1. Définissez: un changement paradigmatique / un chagement syntagmatique,
un phonème, une diphtongue (spontanée, combinatoire), la diphtongaison,
une monophtongue, la monophtongaison, une (consonne) affriquée,
une (consonne) interdentale, un groupe consonantique primaire / secondaire,
la palatalisation, la nasalisation, l’aperture, la réduction (partielle
/ complète), la spirantisation, la vocalisation (partielle / complète), la
sonorisation, l’assimilation (partielle / complète) / la dissimilation
2. Nommez les mutations phonétiques qui sont caractéristiques seulement
à l’ancien français et celles qui représentent l’évolution des transformations
débutées en latin vulgaire ou en gallo-roman; celles qui se
sont achevées en ancien français et celles qui vont encore évoluer.
3. Précisez les origines (latines, celtiques, germaniques) des changements
survenus ou se déroulant à cette époque.
134
4. Par quoi la diphtongaison du latin vulgaire diffère-t-elle de celle
de l’ancien français?
5. Expliquez par quoi et pourquoi la forme du C.S se distingue de
celle du C.R.
6. Nommez les voyelles et les consonnes de l’ancien français que
l’on ne retrouve plus en français moderne.
7. Les mots français les plus anciennement adoptés par l’anglais sont
tower (du fr. tour), table, lamp, gentle (d’abord «bien né», «généreux»,
«de bonne famille», d’où gentleman), forest (fr.m. forêt); to wait. Ces emprunts
sont entrés dans le vocabulaire anglais avant le XIVe s. Prouvez-le.
8. Il y a des milliers de mots passés au cours des siècles du français à
l’anglais. Lorsqu’ils sont revenus en français plusieurs siècles plus tard
sous leur nouvelle forme, parfois on ne les reconnaissait plus (les soi-disant
«allers et retours). Voici quelques mots français qui ont réapparus dans la
langue maternelle après avoir fait le voyage d’outre la Manche:
flirter < fleureter «conter fleurette»;
tennis < «tenetz!», exclamation entendue au jeu de paume au moment
de lancer la balle;
very < véritable: «this very person» < vrai;
cash < caisse;
interview < entrevue;
nurse < nourrice;
rosbif < rostir + buef (AF);
sport < deport (AF) «amusement»;
test «essai» < test (AF) «pot servant à l’essai de l’or».
Observez ces mots et dites comment l’aspect phonétique de ces mots
anglais peut aider à reconstituer les processus phonétiques qui se déroulaient
en ancien français.
Cours théorique 7
L’ancien français: Les changements
morphologiques
L’objectif d’étude
Apprendre les particularités morphologiques de l’ancien français
Sing.
C. S. caball(o)s > chevaus
C.R. caball(u) > cheval
135
L’apprenant doit savoir donner la définition des termes suivants:
la déclinaison, la conjugaison, un cas (cas sujet = cas nominatif, cas
régime = cas oblique), l’analytisme (forme analytique), le synthétisme
(forme synthétique), l’étymologie (forme étymologique), l’analogie, l’alternance,
le radical, la refaite (= le nivellement = la régularisation)
L’apprenant doit savoir
Les principaux changements morphologiques survenus dans le nom,
l’article, l’adjectif, les pronoms, le verbe
Les traits particuliers de la morphologie de l’ancien français
Les principales tendances morphologiques
L’apprenant doit savoir faire
Analyser les changements morphologiques attestés en ancien français
Expliquer les causes des transformations survenues en ancien français
Déterminer les causes de la dégradation du système casuel en ancien
français
Analyser les causes de la conservation des formes casuelles régimes
au détriment de celles du cas sujet; en expliquer les exceptions
Préciser les origines de l’article (défini et indéfini) et ses valeurs en
ancien français
Expliquer les causes du nivellement des formes verbales en ancien
français
Présenter les principales voies du nivellement des formes verbales
en ancien français
Trouver les processus phonétiques qui sont à l’origine des changements
morphologiques
Etablir les relations structurales entre les changements tenant compte
de leur caractère systhématique
Montrer avec des exemples la tendance à la refaite analogique des
formes grammaticales
Plan
I. Le nom.
1. La catégorie du genre.
2. Les catégories du cas et du nombre.
3. Les causes de la dégradation du système casuel en ancien
français.
4. L’influence des changements phonétiques sur l’évolution des
formes casuelles.
II. L’article.
1. Les origines et les formes de l’article.
2. Les valeurs de l’article.
136
III. L’adjectif.
IV. Les pronoms.
1. Les pronoms personnels.
2. Les pronoms possessifs.
3. Les pronoms démonstratifs.
V. Le verbe.
1. Les formes non personnelles du verbes.
2. Les formes personnelles du verbes.
3. Les temps et les modes. La voix.
4. L’alternance des radicaux.
VI. L’adverbe.
L’ancien français reste une langue synthétique par excellence, tout
comme la langue dont il est issu – le latin. Mais les fortes tendances
analytiques qui se sont manifestées en latin vulgaire et allaient se renforçant
en gallo-roman l’amènent à transformer ses formes grammaticales
d’après les modèles analytiques. Cette transformation formelle entraîne à
son tour le développement progressif de nouvelles catégories grammaticales
et la perte des anciennes valeurs grammaticales.
I. Le nom.
Le nom en ancien français possède trois catégories grammmaticales –
la catégorie du genre, du nombre et du cas; la nouvelle catégorie grammaticale
de la détermination / indétermination est en train de se former.
Les principaux changements survenus en ancien français sont les suivants:
– la dégradation continue du système casuel;
– une forte tendance à la reconstruction analogique.
1. La catégorie du genre.
La catégorie du genre se manifeste généralement par l’opposition des
formes casuelles du masculin et du féminin. Cependant, étant donné que le
système casuel se dégrade et tend à disparaître (rappelons que les féminins de
la I déclinaison ne se délclinent plus depuis de latin vulgaire), le genre s’exprime
de plus en plus souvent à l’aide de la flexion -e: cousin / cousine, etc.
Les noms communs animés possèdent des formes différentes: mère /
père, soeur / frère.
2. Les catégories du cas et du nombre.
Le cas
En ancien français il y a quatre formes casuelles: les formes du
nominatif (cas sujet singulier / pluriel) et celles du cas oblique (cas régime
singulier / pluriel).
137
Le paradigme de la déclinaison des noms en ancien français se réduit
à trois types étymologiques.
Les m a s c u l i n s
A. Le type murs (dit croisé)
B. Le type pere (dit angulaire)
C. Le type ber (les noms i m p a r i s y l l a b i q u e s)
(неравносложные)
Les f é m i n i n s
A. Le type rose
B. Le type flour(s)
C. Le type suer
Sing. Plur.
Cas sujet (nominatif) murs mur
Cas régime (oblique) mur murs
Sing. Plur.
Cas sujet (nominatif) arbre arbre
Cas régime (oblique) arbre arbres
Sing. Plur.
Cas sujet (nominatif) sire segneur
Cas régime (oblique) segneur segneurs
Sing. Plur.
Cas sujet (nominatif) rose roses
Cas régime (oblique) rose roses
Sing. Plur.
Cas sujet (nominatif) flour flours
Cas régime (oblique) flour flours
Sing. Plur.
Cas sujet (nominatif) suer serour
Cas régime (oblique) serour serours
138
Le nombre
En ancien français la flexion -s n’est pas encore une marque du
pluriel, au moins, pour les noms du masculin. Cela se voit sur la déclinaison
des masculins du premier type:
Dans la forme chiens la désinence -s peut marquer le singulier aussi
bien que le pluriel.
Ce n’est qu’en moyen français que la catégorie du nombre sera représentée
dans l’opposition privative des formes du singulier et du pluriel:
si le singulier est exprimé par l’absence de -s, le pluriel est marqué
par la présence de -s.
3. Les causes de la dégradation du système casuel en ancien
français.
Les manuscrits de l’époque témoignent d’une forte tendance à refaire
(à niveler, à régulariser) les formes casuelles. Ces textes font voir de
nombreuses fluctuations de la langue quant au modèle de déclinaison à
choisir. Le schéma ci-dessous représente ces fluctuations.
II type: pere
La loi d’analogie unifie dès le XIIe s. tout le système de la déclinaison
des masculins en ancien français d’après le type murs.
C’est dans l’anglo-normand que la déclinaison disparaît d’abord.
Eteinte dans la langue littéraire, la déclinaison vit encore de nos jours
dans quelques patois franco-provençaux.
Les causes de la dégradation du système casuel en ancien français
A. Le nombre minimal de moyens flexionnels: en ancien français il
n’y a qu’une seule opposition casuelle: flexion -s / flexion zéro.
B. L’imperfection du système casuel: il n’embrasse pas tous les noms
(par ex., les féminins ne se déclinaient pas depuis le latin vulgaire). Pendant
un certain temps cette imperfection est équilibrée par la déclinaison
des articles, ainsi les noms masculins se déclinaient «de deux côtés»:
mutation flexionnelle du nom et mutation de l’article masculin.
Sing. Plur.
Cas sujet (nominatif) chiens chien
Cas régime (oblique) chien chiens
Cas sujet 1. pere pere 2. pere peres 3. peres pere
Cas régime pere peres pere peres pere peres
139
Par exemple, la seule forme murs sert à exprimer deux séries de
valeurs: 1. C. S. singulier et 2. C. R. pluriel. Pour distinguer ces deux
formes et ces deux séries de valeurs la langue recourt aux formes casuelles
de l’article:
C. Une double expression flexionnelle de la déclinaison devient un
moyen redondant (excessif) quand s’impose une stabilité quoique relative
dans l’ordre des mots «sujet – verbe – objet» et l’emploi régulier des
prépositions à et de.
D. La flexion -s est surchargée de catégories grammaticales, parce
qu’elle assume à la fois les fonctions casuelles et celles de la catégorie du
nombre. Au surplus, en tant que marque casuelle, -s possède des valeurs
opposées, indiquant au singulier le cas sujet, au pluriel – le cas régime.
En abandonnant la déclinaison la langue a priviligié les formes du
cas régime qui se sont gardées jusqu’à nos jours. Cela est dû au fait que
dans le discours les formes du cas oblique s’emploient plus souvent que
les formes du cas sujet.
Une exception a lieu, pour un nombre restreint de substantifs, qui se
conservent sous la forme du cas sujet. Ce sont les noms tels que Charles,
Georges, où l’-s casuel s’est fixé, de même que les noms communs: fils,
gars, soeur, sire, etc.