6.2. Nicolas Hulot: la défense de la planète tous azimuts

Aventurier des temps modernes, homme de télévision qui a su toucher le grand public, familier des scientifiques, l’éminence verte du président Jacques Chirac est aussi l’un des écologistes les plus influents. Portrait d’un militant hors normes.

Le 28 février 2005, la France est devenue le premier pays à protéger constitutionnellement «le droit à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé». Une Charte de l’environnement est désormais intégrée à la Constitution à égalité avec la Déclaration des droits de l’Homme de 1789. Derrière ce texte fondamental défendu personnellement par le président de la République, certains voient la marque d’un ami de celui-ci, Nicolas Hulot, l’écologiste le plus connu de France, qui est aussi le président de la Fondation pour la nature et l’homme, et le producteur-animateur de l’émission à succès Ushuaia nature.

Quand en juin 2004, lors d’un reportage au pôle Nord, ce militant énergique apprend que le projet de loi sur la Charte de l’environnement risque de ne pas passer le cap du premier vote au Sénat, il décroche son téléphone satellite et appelle de sa tente igloo les ténors politiques de la place parisienne. Il est également à l’origine de la célèbre phrase prononcée par Jacques Chirac en 2002 lors du sommet de Johannesburg: «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs».

Les beautés de la planète en direct

Né à Lille en 1955, Nicolas Hulot a grandi dans les quartiers chics de Paris et aurait pu devenir médecin. Mais il optera pour des chemins de traverse. «Je suis entré dans l’âge adulte par la tragédie, celle de la mort de mon père et du suicide de mon frère», évoque-t-il pudiquement. Amoureux des grands espaces, il intègre à l’âge de dix-neuf ans Sipa Presse comme photographe et parcourt les quatre coins du monde. Cet appel du grand large deviendra une vocation et le mènera dans un premier temps vers le reportage radiophonique. Sur la chaîne publique France Inter, il fait vivre aux auditeurs, en direct, ses aventures du bout du monde pendant neuf ans. Il forge le style atypique qui sera sa marque de fabrique.

En septembre 1987, il produit et anime Ushuaia, le magazine de l’extrême sur la chaîne de télévision TF1. C’est le début d’une grande histoire entre lui et les Français. Trois cents émissions plus tard, des millions de spectateurs ont assisté, médusés, à de mémorables séances d’ULM en Arctique ou attendu, vaguement inquiets, la reprise d’un commentaire interrompu pour cause de syncope aérienne avec la Patrouille de France. Le paroxysme est atteint en 1996 avec l’émission Opération Okavango, qui ambitionne de faire parcourir aux spectateurs les cinq continents. Cadré sous tous les angles, le présentateur passe douze mois en Afrique avec son équipe, avant que les patrons de TF1 ne lui coupent les vivres. Le rêve d’inventaire des beautés de la planète a vécu. Nicolas Hulot se retire alors en Corse du Sud. Ce grand lecteur, affectionnant particulièrement Victor Hugo et ne voyageant jamais sans ses auteurs favoris, se ressource enfin en famille. Il revient en octobre 1998 avec une nouvelle émission plus pédagogique, Ushuaia nature. Près de 7 millions de spectateurs sont fidèles au rendez-vous hebdomadaire avec la Terre que leur propose l’animateur. «Je ne suis pas né écolo, je le suis devenu», explique celui que les voyages ont éveillé à la cause environnementale. Le globe-trotter réalise que la planète est petite, vulnérable, et que l’expansion de notre empreinte écologique est visible à l’oeil nu. «Quand on réalise que la dégradation de la nature compromet le sort de l’humanité tout entière, l’engagement pour les combats à venir devient une évidence».

Label France. 2005. № 59