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Madame de Montespan,

« L’ornement de toutes

les réjouissances de la cour »

Le Roi-Soleil admire et apprécie les jeunes femmes belles et brillantes. Madame de Montespan se distingue par sa culture, sa curiosité intellectuelle et par son esprit hors du commun. À 26 ans, elle est couverte de bijoux,

resplendissante de beauté, rayonnante de gaieté.

Née en 1640, Françoise de Rochechouart Mortemart est en effet issue d’une des plus vieilles familles de la noblesse. Elle entre à 20 ans au service de la reine Marie-Thérèse d’Autriche.

En 1663, elle épouse Louis-Henri de Gondrin, marquis de Montespan dont elle aura deux enfants. Le mariage est de plus en plus désastreux et la position à la Cour de la marquise est le seul repère sûr de son existence. Elle devient l’une des jeunes femmes les plus en vue des salons parisiens, fréquentant Mme de La Fayette et Mme de Sévigné. Sa position à la Cour lui permet de voir le Roi,

et surtout d’être vue par lui. Elle est si belle, a tant d’esprit et de tempérament, qu’elle ne peut laisser Louis XIV indifférent. Le Roi en tombe

« amoureux fou », dit Saint-Simon.

Dès l’année 1668, ce n’est plus un secret pour personne que la favorite royale est à présent la Marquise de Montespan. Louis XIV se plaît en compagnie de la Marquise, qu’il rejoint en tendre tête-à-tête. Leur amour coupable est su de tous, l’amour qui suscite le scandale, car l’adultère cette fois est double. L’infortuné marquis de Montespan, contrairement à une coutume bien établie, prend fort mal la liaison de son épouse et mère de ses deux enfants, avec le Roi. Au lieu de considérer sa situation comme un honneur, il crie la vengeance. Pour calmer sa colère, le Roi l’envoie en prison. Libéré une semaine plus tard,

il s’installe avec ses deux enfants sur ses terres en Champagne.

FAVORITE ET MUSE

Durant près de 10 ans, Mme de Montespan illuminera la Cour de sa beauté et de son intelligence et règnera comme une Reine à Versailles. Ce sont les années des plus grands triomphes de Louis XIV, les années des victoires militaires et des succès diplomatiques, les années du renforcement de l’autorité royale, du développement économique, de la conception du parc et du château de Versailles.

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Inspiratrice de ses desseins, elle initie Louis XIV aux plaisirs de la conversation. C’est elle qui fait nommer Racine et Boileau historiographes du Roi et protège le compositeur Lully et la Fontaine. Ceux que la marquise protège voient leur fortune assurée ; au contraire, ceux qui ont le malheur de lui déplaire courent les plus grands dangers. Elle est le centre de tous les divertissements, dicte la mode et dépense des sommes fabuleuses au jeu de cartes.

La marquise de Montespan donnera au Roi huit enfants. Mais à la différence de Louise de La Vallière, elle est mariée et le marquis de

Montespan reste le père des enfants de sa femme, ce qui complique une situation déjà fort ambiguë.

Il y a aussi l’Église, de plus en plus indignée par les amours coupables du Roi qui donne un exemple immoral à ses sujets.

Dès 1669, la marquise de Montespan confie l’éducation de ses enfants à son amie, Françoise d’Aubigné. Jusqu’en 1674, la discrète et dévouée jeune femme s’acquitte de sa tâche d’une manière exemplaire. Le Roi aime beaucoup ses enfants, vient souvent les voir dans la petite maison du village de Vaugirard où Françoise s’est installée avec eux. Il apprécie de plus en plus le calme de la

Charles de la Fosse, Marquise de Montespan avec ses quatre enfants

gouvernante, son langage doux, sa taille toujours mince, alors que Mme de Montespan, gourmande, prend toujours du poids. Le Roi s’attache de plus en plus à Françoise. Mme de Montespan se fait

du mauvais sang. Elle a 36 ans, ce qui à l’époque marque pour une femme la fin de la jeunesse. Lorsque le Roi légitime en 1673 ses bâtards et les installe à la Cour avec leur gouvernante, Mme de Montespan comprend qu’elle a nourri une rivale dangereuse et que son règne touche à sa fin. Mais pire encore, elle se trouve compromise dans ce qu’on appellera « l’affaire des poisons », et son nom défraie la chronique en 1680, même si son implication n’est jamais clairement établie.

L’AFFAIRE DES POISONS

Ce qu’on a retenu sous le nom de « l’affaire des poisons » a été découvert par hasard, au cours d’une enquête qui avait gagné toutes les couches de la société française. C’est le lieutenant de police, la Reynie qui suppose l’existence d’un vaste réseau criminel menaçant la stabilité du royaume français et la vie du Roi.

Informé, Louis XIV ordonne de faire la lumière sur l’affaire. Il y a un grand nombre d’arrestations : diseuses de bonne aventure, voyantes, toutes sortes de magiciens,

de charlatans, d’astrologues. Au fil des interrogatoires, les inculpés dénoncent leurs complices et nomment leurs clients et leurs victimes. Louis exige qu’on n’épargne personne. Toute la France suit avec un très grand intérêt le procès. Le 1er octobre 1680, Le Roi-Soleil apprend que Mme de Montespan est elle aussi impliquée à l’affaire. Est-ce que sa favorite, sa muse est allée jusqu’à empoisonner ses rivales ? Peu probable. Pourtant, on murmure qu’elle a assisté à des messes noires où ont eu lieu des sacrifices des nouveau-nés. On la soupçonne aussi d’avoir fait préparer « des poudres pour l’amour » qu’elle destinait au Roi, afin de conserver son amour pour elle…

Le scandale est étouffé. Quant à Mme de Montespan, sa disgrâce est définitive. Le Roi finit par la trouver «sotte comme un panier», selon l’expression de la Cour. En 1686, Louis XIV lui demande de quitter Versailles. En 1691, dégoûtée du monde, la favorite la plus scandaleuse du règne de Louis XIV se retire au couvent des dames de Saint-Joseph à Paris. Elle s’éteint à 66 ans le 27 mai 1707. D

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Portrait de Mme de Montespan conservé au château de Versailles

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Madame de Maintenon, l’épouse secrète du Roi-Soleil

L’ascension de Mme de Maintenon, née en prison, devenue favorite du RoiSoleil et puis son épouse secrète, est sans doute une des plus remarquables de l’histoire de France. Un conte de fée, celle d’un Cendrillon

et une énigme pour postérité.

Françoise d’Aubigné est née en 1635 dans la prison de Niort.

À14 ans, elle se retrouve dans la rue. Réduite

àla misère, contrainte de mendier, Françoise comprend qu’elle est pauvre et seule et qu’elle ne peut compter que sur elle-même et que pour s’en sortir elle doit apprendre à dissimiler ses états d’âme et à saisir la moindre occasion pour améliorer sa situation.

Elle arrive à Paris en 1652. Elle a 16 ans. Elle n’a aucun usage des salons mondains, mais comme l’écrit le poète Paul Scarron, «le feu qui brille

dans ses yeux n’est pas un feu facile à peindre». Dans la misère la plus complète, elle rencontre ce célèbre poète au physique repoussant, libertin et misanthrope. Il a 26 ans de plus que Françoise et il est endetté et très malade : à demi paralysé par des rhumatismes déformants, il ne bouge quasiment pas. Mais Pierre Scarron est brillant, cultivé, drôle. Tout Paris se donne rendez-vous à son domicile. Les plus beaux esprits de la France s’y croisent.

Par un curieux mélange de compassion et d’inclination, Scarron demande la malheureuse Françoise en mariage. Elle accepte. Grâce à son époux, la charmante Mme Scarron se liera avec les plus brillants esprits de l’époque.

Pierre Scarron meurt en 1660. Françoise n’a que 25 ans. Toujours sans ressources, elle abandonne la maison de son mari défunt. Mais elle connaît le monde, elle sait comment le

conquérir. Elle attire l’attention des hommes par sa beauté et rassure les femmes par sa vertu. Les

portes du Grand Monde s’ouvrent devant elle. On lui propose, en 1669, la charge d’élever les enfants du Roi et de Mme de Montespan. C’est une chance inespérée pour elle de s’approcher de la Cour royale. Mme de Montespan ignore encore quelle erreur elle a commise en choisissant cette Mme Scarron, veuve de 34 ans, pour s’occuper de ses enfants. Mais très vite, elle est jalouse, car la gouvernante capte l’amour de ses enfants. Les scènes se multiplient entre les deux femmes, d’autant que Louis XIV s’intéresse de près à

la veuve Scarron. Oui, le comportement de la gouvernante ne manque pas d’impressionner Louis : il aime ses enfants et il est très reconnaissant à Mme Scarron qui veille sur eux avec tant de soin, de dévouement et d’amour.

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Pierre Mignard, Françoise d'Aubigné, Marquise de Maintenon

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Peu à peu, il prend l’habitude de discuter avec elle et découvre qu’elle est aussi intelligente que charmante, pleine de douce sagesse, de discrétion, de douceur et de calme. C’est ce qui lui manque, las des tempêtes, des scènes, des reproches continuels, des sarcasmes et des caprices de Mme de Montespan…

Mme Scarron n’a qu’un seul défaut : elle est mal née. Mais le Roi-Soleil efface cela en lui assurant son indépendance économique par les donations et en l’élevant au rang de marquise de Maintenon. Mme de Montespan assiste, impuissante, à l’ascension de sa gouvernante. Une haine implacable s’installe entre les deux femmes.

La mort soudaine de la reine Marie-Thérèse, le 30 juillet 1683, perturbe les habitudes

du Roi. Il n’a que 45 ans. Se remariera-t-il ? Influencé par ses confesseurs qui lui ont toujours reproché son mode de vie rempli de péchés, le Roi demande la main de Mme de Maintenon et l’épouse secrètement en 1683, quelques mois après la disparition de son épouse. Est-ce parce que Louis vieillissant a peur de mourir ? Qu’estce qui l’attend au-delà ? Il ne voit que Françoise de Maintenon, sa confidente vertueuse, qui est là pour lui indiquer le chemin du salut. Sa présence lui devient indispensable.

Le mariage est célébré dans le cabinet du Roi à Versailles en présence de l’archevêque de Paris et du père La Chaise. La nouvelle est enfin connue et ne suscite aucun enthousiasme à la Cour.

Elle devient le symbole de l’hypocrisie, de la fausse morale, de la fausse charité et de la fausse honnêteté et suscite à la Cour toutes sortes de rumeurs. Ces inimitiés ne troublent pourtant pas Mme de Maintenon qui prend toutes les attaques avec la modestie d’une sainte habituelle aux injustices. A-t-elle aimé le Roi ? On n’en sait rien, sauf qu’on lit dans une de ses lettres écrites à une amie, peu après son mariage : « J’espère que je tirerai quelque fruit de ma douleur ».

Tout cela est-ce donc le prix à payer pour régner secrètement 32 années sur le Roi, pour vieillir auprès de lui, à côté d’un homme froid, égoïste, souffrant d’hémorroïdes et de diverses infirmités dont la goutte qui le fera circuler à Versailles dans un fauteuil à roulettes ? Puisqu’elle a renoncé au luxe, aux châteaux, aux bijoux et à l’opposé des autres favorites royales, elle n’a jamais pillé le Trésor public. Et Louis, l’a-t-il aimée ? Sans aucun doute, il lui a été profondément attaché et l’a

admirée. Avec elle est liée la dernière partie de son règne et l’automne de ses amours.

Depuis que Mme de Maintenon est l’épouse secrète de Louis XIV, la vie à Versailles a perdu de sa gaieté. Les fêtes et les plaisirs ont peu à peu cédé le pas à la prière.

Mais hélas, le Roi-Soleil vit les pires années de deuil qui frappe sa famille : il voit mourir avant lui, en l’espace de deux ans (1711-1712), un à un, tous ses enfants et petits-enfants, presque tous ses descendants légitimes.

Versailles se drape de noir. En 1715, l’année de la mort de Louis XIV, ne reste pour lui succéder qu’un arrière-petit-fils de 5 ans, le futur Louis XV.

Et si Louis assiste au déclin de son royaume, Mme de Maintenon consacre la fin de sa vie à sa plus grande œuvre : la fondation en 1686 de Saint-Cyr, une école-pensionnat destinée à

éduquer les jeunes filles nobles et pauvres, comme elle-même l’avait été plusieurs années plus tôt.

Mme de Maintenon crée elle-même un modèle pédagogique de l’école. Elle choisit elle-même les enseignantes. Elle décide de l’emploi du temps, des disciplines à privilégier, des lectures, des loisirs. Elle rédige personnellement pour les enseignantes et les élèves des lettres, des dialogues, des maximes illustrant ses idées sur la religion, la morale, la famille, le mariage et le rôle de la femme dans

la vie sociale. Il leur faut certes apprendre les bonnes manières, la grâce, l’élégance du maintien, la perfection de l’éloquence, qui sont les attributs indispensables à leur condition sociale, mais

le plus important est d’acquérir la force, la foi, la charité nécessaires pour affronter avec un stoïcisme chrétien et une joie parfaite un avenir fait d’obéissance et de sacrifice.

À la mort du Roi, c’est à Saint-Cyr qu’elle se retire et qu’elle meurt le 15 avril 1719.

Restée dans l’ombre de son époux, le Roi de France, elle n’a jamais été Reine.

ÉPILOGUE

Ainsi se termine le Grand Siècle du Roi-Soleil. Si son règne a été un grand règne, c’est sans doute du fait qu’il a été aussi le règne de l’amour. Les mariages de raison, les arrangements entre familles cèderont la place au sentiment. Le Siècle des Lumières approche. Et même si on porte toujours des masques, ce n’est pas pour longtemps. La Révolution les arrachera. D

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Marquise de Pompadour,

un parcours de la combattante

Née Jeanne-Antoinette Poisson, la future marquise est la fille d’une femme de petite noblesse et d’un petit escroc, condamné à l’exil pour faux. Elle reçoit cependant une bonne éducation de grande qualité. Elle épouse Charles Lenormant d’Etiolés,

le neveu d’un fermier général.

À la beauté s’ajoute désormais la richesse. Son esprit fera le reste auprès des hommes de lettres qui la remarquent. D’un salon à l’autre, elle assoit une jolie réputation. On en parle. En plus, elle chante avec grâce, joue la comédie, monte divinement à cheval. Ravissante, cultivée, elle a un rêve : rencontrer le Roi.

Sa propriété jouxte la forêt où Louis XV justement aime à s’adonner furieusement à la chasse. Heureux hasard : parmi ses relations, elle compte un lieutenant de la vénerie royale. Elle se glisse dans la suite, se poste au détour d’une allée. Une fois, deux fois. Le Roi finit par la remarquer. Il lui fait envoyer un chevreuil. C’est ainsi que la jeune beauté de 23 ans surgit dans la vie de Louis. Et le Roi qui en a 34 se noue une liaison passionnée. Tout d’abord clandestin, cet amour va rapidement se révéler aux yeux de tous.

En 1745, Louis XV est à un tournant de sa vie. Vingt ans plus tôt, à 15 ans, il s’est marié avec Marie Leszczynska, de sept ans son aînée et fille du roi détrôné de Pologne, Stanislas Ier. Malgré l’écart d’âge, Louis a vécu d’abord des années heureuses aux côtés de cette femme au physique pas très avenant, mais qui lui a été sincèrement dévouée au point de supporter avec abnégation des infidélités de son époux.

LA POMPADOUR

La jeune femme a un atout dont sont dépourvues beaucoup de femmes de la Cour : sa beauté et

sa bonne éducation. Elle a beaucoup lu, et sa conversation est plaisante. Elle chante, elle danse. Étape suivante : paraître à la Cour ! Premier cadeau

d’une longue liste de présents considérables, le Roi accorde à Mme d’Étiolés, le titre de Marquise.

Peu à peu, elle se fait accepter par la Cour. Mais il lui faut de plus en plus d’argent. Ses propriétés se comptent par dizaines : le château de Ménart, l’ermitage du parc de Fontainebleau, ceux de Compiègne et de Versailles. Et surtout Bellevue, construit sur la colline de Meudon, en 1750. En

1753, à Paris, elle achète l’hôtel d’Évreux, par la suite rebaptisé palais de l’Élysée, dont elle fait sa résidence parisienne. C’est là qu’est reçu le jeune Mozart, lors de son passage à Paris, en 1764.

À Versailles, la Cour se scinde en deux camps. D’un côté, elle est adulée par les courtisans qui veulent entrer dans les bonnes grâces de Louis XV. De l’autre, elle est haïe par les enfants du Roi, « la vie que je mène est terrible », écrit Mme de Pompadour à l’une de ses amies.

A 30 ans, cette ravissante jeune femme règne sur la Cour avec une grâce souveraine, exerce un rôle

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très important tant sur le plan politique qu’artistique, reçoit les personnages les plus importants du royaume, les ambassadeurs et la plupart des courtisans ; les secrétaires d’État la préviennent même de ce qu’ils vont dire au Roi. On n’hésite pas à comparer son pouvoir

à celui d’un Premier ministre. Le Roi s’entretient avec elle à toute heure du jour et de la nuit : les deux appartements communiquent. La marquise aime passionnément le souverain, mais depuis que sa santé

chancelante ne lui permet plus d’être une amante, elle décide de jouer le rôle de l’« amie nécessaire ».

La relation du couple franchit une nouvelle étape. La marquise commande en 1754 à son sculpteur favori, Jean-Baptiste Pigalle, d’exécuter pour le Roi une statue L’Amour embrassant l’Amitié. L’Amitié a les traits de la marquise, ce qui symbolise le pacte entre elle et le Roi : elle ne partage plus le lit du souverain, elle reste sa compagne, sa partenaire, sa conseillère, tout en conservant les prérogatives d’une favorite honoraire, qui détient l’autorité d’une reine, épouse légitime vivant très retirée.

Elle garde le Roi sous sa coupe, faite de tendresse, de sincérité et de gaieté.

La Marquise déménage du premier étage, celui du Roi et de la Reine, et s’installe au rez-de-chaussée. Elle y reçoit les ministres, elle y joue aussi de la musique et fait du théâtre pour des amis choisis.

En fréquentant les salons littéraires parisiens, elle a côtoyé les plus beaux esprits de son temps, dont les

philosophes des Lumières qu’elle introduit à la Cour. La Marquise a une grande sensibilité artistique et devient un mécène majeur de son temps.

Elle crée la Manufacture de Sèvres, trouve des chimistes, les ouvriers et dirige cette société. C’est elle qui a fait choisir sept ou huit ministres.

Un des mérites de Mme de Pompadour a été de faire entrer un peu de l’air du temps et des idées nouvelles dans l’entourage de Louis XV. Mais ignore- t-elle à quel point la foule gronde ? La marquise poursuit cette vie de parade qui la voit consacrer un soin extrême à ses toilettes, en tant qu’ambassadrice du luxe et du bon goût français. Mais tout cela déplait au peuple.

Pourtant, la Marquise souffre déjà de l’affection pulmonaire, et la mort de sa fille unique, Alexandrine, âgée de 10 ans, a entamé définitivement sa joie de vivre.

La singulière relation de Mme de Pompadour avec le roi Louis XV a duré 20 ans. Usée par la maladie et le chagrin, à 43 ans, elle est déjà une vieille femme.

En avril 1764, elle agonise. Hormis les membres de la famille royale, personne ne doit mourir au château. Le Roi va lui donner une ultime preuve de son amour en acceptant qu’elle reste dans son appartement

à Versailles. C’est de son balcon que Louis XV lui adresse un dernier adieu en regardant passer le convoi funèbre de la Marquise. D

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Madame du Barry :

la dernière favorite royale finit ses jours à l’échafaud

Madame de Pompadour avait su se rendre indispensable...

mais pas irremplaçable. Louis XV retrouve sa seconde jeunesse avec la future comtesse du

Barry. Contrairement aux autres favorites royales,

elle n’a rien pour elle, ni la naissance, comme Mme de Maintenon, ni la richesse, comme Mme de

Pompadour, ni les deux, comme Mme de Montespan.

La petite Jeanne Gomard n’était pourtant pas destinée à devenir une favorite royale. Fille d’un moine et d’une couturière, méprisée ou détestée toute sa vie, c’est grâce à sa beauté hors

du commun, qu’elle s’arrache à un milieu modeste. Elle a fait d’excellentes études avant de partir à la conquête de Paris.

Son physique exceptionnel décide de son destin et lui ouvre les portes de la galanterie parisienne. C’est ainsi qu’elle rencontre le comte Jean du Barry, devient sa maîtresse et tient salon.

Louis XV, qui s’ennuie depuis la mort de Mme de Pompadour, voit la belle Jeanne et c’est le coup du foudre. Elle a 20 ans, trente-trois ans de moins que sa Majesté. Malgré la désapprobation générale, le Roi décide de la présenter à la Cour.

Les présentations de la « comtesse » Guillaume du Barry à la Cour ont lieu le 22 avril 1769.

Tous les clans de la Cour se liguent contre elle. Quant à Louis XV, il l’adore. En mai 1770, la comtesse se découvre un nouvel adversaire :

Marie-Antoinette, la dauphine de France qui vient d’arriver à la Cour. Archiduchesse de sang impérial, Marie-Antoinette ne comprend pas pourquoi Mme Du Barry est admise à la table des rois. Méprisante, la dauphine refuse de lui adresser la parole. La favorite obtient cependant le soutien indéfectible

de Louis XV. Afin que son amante échappe à la violence de la Cour, le Roi lui offre le château de Louveciennes. Dans le parc du château Louis XV, retrouve avec la comtesse la joie de vivre et le goût de la fête. Sa Majesté savoure le charme de Jeanne, son intelligence, sa culture, sa gentillesse. Elle est bonne, sans prétention et sans rancune, ne voulant de mal à personne.

En 1774, Louis XV tombe malade en 1774, atteint de la variole. La comtesse a le courage de se

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rendre tous les jours au chevet de sa Majesté, qui s’éteint dans des conditions atroces.

Le nouveau couple royal, Louis XVI et MarieAntoinette, enferme la Du Barry à l’abbaye de Pont-aux-Dames, sorte de Bastille pour femmes. Triomphante, Marie-Antoinette écrit à sa mère :

« La créature est mise au couvent et tout ce qui porte ce nom de scandale est chassé de la Cour. »

Jeanne ne sortira pas avant un an de sa prison. Elle ne sera jamais autorisée à remettre les pieds à Versailles, vivant discrètement dans

son pavillon de Louveciennes jusqu’en 1793. La Révolution, se rappelant qu’elle a été la favorite de l’« infâme » Louis XV, la fait guillotiner le

8 décembre 1793, sous la Terreur, quelques semaines après Marie-Antoinette. Tragique paradoxe ! L’ancienne favorite royale, née

« fille du peuple », va payer à nouveau pour ses origines. Elle est accusée d’avoir « trahi » ce

même peuple, devenu souverain, et périt comme les aristocrates qui la haïssaient. D

Gyula Benczur, Louis XV et Dubarry

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