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§ 106. L'alternance «voyelle — consonne» se fait entre les voyelles fermées [I, y, u] et les sonantes constrictives [j, ц, w].

De prime abord, le passage de la voyelle а la consonne cor­respondante dans un même morphème paraît être dû unique­ment au contact de la voyelle qui suit le son en question, par exemple : loue ['lu] — louer ['Iwe], il rit [il 'ri] — il riait [il 'rje] ou [il ri'je], il sue ['sy] — suer ['sqe].

Or, l'apparition de la deuxième forme, comportant une sonante constrictive, est un fait du style parlé, les verbes analysés pouvant être prononcés, en style soigné, avec une voyelle au radical, soit — louer [lu'e], il riait [il ri'e], suer [sy'e].

L'alternance « voyelle—consonne » dépend aussi de l'envi­ronnement phonétique, plus précisément du caractère et du nombre des sons qui précèdent la voyelle en question. L'al­ternance s'effectue le plus souvent dans le cas oщ l'apparition de la sonante constrictive crée un groupe de deux consonnes. Elle est moins fréquente quand le groupe compte trois con­sonnes et plus. Voici quelques exemples :

On te louait beaucoup [э tæ 'Iws bo'ku]. Marthe louait ce tableau ['mart lu'e sæ ta'blo].

Il s'agit donc d'une alternance conditionnée par la posi­tion du phonème (en finale absolue/devant voyelle), qui se propage et devient générale dans le style parlé en premier lieu.

§ 107. Une voyelle brève alterne avec une voyelle longue. Cette alternance a deux aspects en français moderne.

1. Les deux voyelles se trouvent en position identique sous l'accent syntagmique. La voyelle est brève en finale

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absolue ou devant une consonne non allongeante, elle est longue devant les consonnes allongeantes [z], [3], [r] et [v] : vous dites ils disent, tic tige, dernier dernière, il dit ils dirent, il vit ils vivent, veuf veuve, etc. C'est une alternance combinatoire qui dépend des sons en­vironnants.

2. Dans un même mot, une voyelle placée devant une con­sonne allongeante est tantôt brève, tantôt longue. Elle est longue quand elle se trouve sous l'accent syntagmique, soit — voici une chaise [vwasi_yn 'Js:z], mais — apportez-moi une chaise longue [aporte 'mwa_yn Jez '15:g] (voir § 135, 5).

Cette dernière alternance a un caractère tout particulier du fait qu'а l'opposé des exemples précédents elle ne caracté­rise pas un même morphème de deux mots différents ou bien un même morphème de deux formes grammaticales différentes d'un seul mot. Cette alternance a lieu dans un même mot et dépend de l'accentuation et de la position du mot dans le syntagme.

2. Alternances historiques

§ 108. Etant donné le développement de la norme orthoé­pique au cours des siècles, certaines alternances vivantes de l'ancienne langue sont susceptibles de disparaître. C'est que la raison phonétique qui les a engendrées n'existe plus. Témoin la conjugaison des verbes du premier groupe qui a subi le nivellement du radical а la fin du moyen ge. Dans le verbe aimer, [ai] du radical accentué alternait avec [a] du radical inaccentué en vieux français : j'aime, tu aimes nous amons, vous amez.

L'alternance dans le radical des verbes du premier groupe accentuait les différences morphologiques des formes. Cf. également les paradigmes des verbes prouver, trouver, pleurer, etc. en ancien français. Les diphtongues alternaient avec les voyelles ou bien avec d'autres diphtongues en raison du développement différent qui affectait les voyelles accentuées et les voyelles inaccentuées en ancien français.

D'autres alternances autrefois vivantes sont néanmoins conservées par la langue en vertu des fonctions grammaticales qu'elles assument. Ces alternances ne s'appuient plus sur la structure phonétique du français, elles ne relèvent plus d'au­cune règle phonétique du français moderne. On leur donne le nom d'alternances historiques ou pho­no morphologiques

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Les alternances historiques sont très nombreuses dans les verbes du troisième groupe appartenant а la conjugaison ar­chaïque. Elles sont moins fréquentes dans le nom. Il importe de noter toutefois que ces alternances sont loin de composer un système de formes tel que celui que Ton trouve dans certaines langues germaniques. En français, elles ne sont pas productives. Leurs formes sont très variées vu le caractère particulier de chacune d'elles. Une seule affecte un assez grand nombre de verbes français : consonne — zéro de son, et encore le type de consonne varie-t-il d'un verbe а un autre.

Nous citons ci-dessous les plus importantes parmi ces al­ternances. г

1. Les alternances historiques ou phonomorphologiques sont utilisées dans le verbe pour marquer le nombre. Elles servent а opposer le singulier au pluriel а la troisième person­ne. La finale consonantique y est la marque du pluriel. Si toutefois le singulier se termine également par une consonne, le pluriel est marqué par l'adjonction d'une deuxième con­sonne : ce verbe a donc deux consonnes а la fin — il dort ils dorment [il 'do:r— il 'dorm].

Consonne [t, d, s, z, y, p, m, j ] — zéro de son : il bat ils battent [il 'ba — il 'bat], il sort ils sortent [il 'so:r — il 'sort], il répond—ils répondent [il êе'рî — il Ke'p5:d], il paraît ils paraissent [il ра'êе — il pa'Kes], il produit ils produisent [il pno'dqi — il pra'duirz], il reçoit ils reçoivent [il næ'swa— il Kæ'swaiv], il sertils servent [il 'se:K — il 'çеêу], il romptils rompent [il 'êî — il 'êэ:р ], il dort ils dorment [il 'do:K — il 'donm], il bout ils bouillent [il 'bu — il 'buj), etc.

Cette alternance caractérise également tous les verbes du deuxième groupe: il finit ils finissent [il fi'ni — il fi-'nisb

Voyelle nasale voyelle orale+consonne nasale [л eji], en] : il craint ils craignent [il 'kns il 'knep], il peintils peignent [il 'pЈ—il 'peji], il tientils tiennent [il 'tji — il 'tjen], il vient ils viennent [il 'vji — il 'vjen], etc.

1 Pour plus de détails voir: G. Gougenheim. Eléments de pho­nologie française. Strasbourg, 1935. Les alternances historiques ne relevant pas de la norme orthoépique du français moderne, beaucoup de linguistes estiment qu'elles sont plutôt du ressort de la grammaire. «Le conditionne­ment de l'alternance est strictement morphologique et n'est, en aucune fa­çon, déterminé par des facteurs phoniques». A. Martinet. Eléments de linguistique générale. A. Colin, 1963, p. 96.

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Voyelle voyelle+consonne [o al ], [0 — æl ], [0 — oev] : il vautils valent [il 'vo — il 'val], il veutils veulent [il 'v0 — il 'væl], il peut ils peuvent [il 'p0 — il 7pæ:v], etc.

Voyelle orale — voyelle nasale : il fait ils font [il % — il 'îd ], il va ils vont [il 'va — il 'v5].

2. Certaines alternances historiques servent а opposer le masculin au féminin dans les noms et les adjectifs. La finale consonantique devient la marque du féminin en français moderne.

Consonne [d, t, J, z, ê] — zéro de son : chat chatte I'Ja — 'Jat Ь étudiant étudiante [ety'djd — ety'djd:t ], ca­det cadette [ka'ds — ka'det], vert verte ['vs:k — 'vent] fort forte [Ъ:ê — 'font ], chaud chaude ['Jo — 'Jo:d ], blanc blanche ['bid — 'bld:J ], franc franche Ïа — 'fedij ], français française [fed.'ss — fe.'serz ], époux épouse [e'pu — e'pu:z], boucher bouchère [bu'Je — bu'JeiK] altier altière [al'tje — al'tjsin], etc.

Les participes passés des verbes du troisième groupe uti­lisent également cette alternance : faitfaite ['fe — 'fet], dit dite ['di — 'dit], mis mise ['mi — 'mi:z], atteint

atteinte [a'tл — a'tл:t], etc.

Voyelle nasale — voyelle orale+consonne nasale : chien

  • chienne ['Jje — 'Jjen], lion lionne ['Ij5 — 'Ijon], ba­ron baronne [Ьа'ю — Ьа'êэï ], poltron poltronne [pol-Чêэ — рэÏюï], brun brune ['ЬêîЬ — 'Ьêуï], bon bon­ne ['Ьэ — 'bon], alpin alpine [al'pê — al'pin], américain

  • américaine [ameKi'ke — ameKi'ken ], cousin cousine[ku'zs — ku'zin], paysan paysanne [pei'zd — psi'zan],copain copine [ko'pл — ko'pin ], etc.

Les alternances [f v ], [k J ] sont plutôt rares : veuf veuve ['væf — 'væ:v], sauf sauve ['so:f — 'so:v], serf serve [ 'sskî — 'sskv], bref brève ['bnef — 'bneiv], neuf neuve ['næf — 'næ:v ], oisif oisive [wa'zif — wa-'zi:v], sec sèche ['ssk — 'sej], etc.

3. Dans le verbe quelques-unes des alternances vocaliques expriment les différences de temps : il peut il put [il'p0 — il 'py ], il sait il sut [il 'se — il 'sy ], il prend il prit [il 'pKd — il 'pKi ], il met il mit [il 'me — il 'mi ] — (le présent — le passé simple) ; je lirai je lirais [506 Н'êе — 5æ Н'êе], je partirai je partirais [306 panti'Ke — sæ раê-ti'ne] (le futur simple — le conditionnel présent). L'alter-

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nance [e — s] entre le passé simple et l'imparfait а la pre­mière personne du singulier (je travaillai Je travaillais) est d'un rendement nul vu la caducité de la forme du passé simple а la première personne dans la langue parlée.

4. L'alternance [э — î] oppose certaines formes de l'ad­jectif possessif au pronom possessif : notre le nôtre, votre

le vôtre.

5. Consonne simple — consonne géminée. Cette alternanceaffecte, dans le verbe, la consonne [r]. Elle sert а opposerl'imparfait de l'indicatif au conditionnel présent : il mou­rait il mourrait y il courait il courrait, il acquérait il acquerrait (dans le dernier cas, elle se trouve doublée del'alternance [e — s]).

Une consonne simple alterne également avec une géminée dans les verbes dont le radical se termine par un [r], cette alternance oppose le présent au futur (la lre et la 2e personne du pluriel) : nous éclairons nous éclair(e)rons, vous désirez

vous désir(e)rez, etc.

En raison de la chute du e instable cette alternance sert а opposer également l'imparfait au conditionnel présent : il enterrait il enterr(e)rait, il serrait il serr(e)rait.

6. L'alternance [k — J ] au début du mot sert а distinguerles mots d'origine savante de ceux d'orgine populaire :camp champ, campagne champagne, cause chose, can­tonner chantonner, capital chapiteau, cancre chancre,carbone charbon. l

Elle sert également а opposer aux mots d'origine française certains emprunts au provençal (qui a gardé le [k] latin de­vant [a]): cape chape, et а l'anglais: car char, etc.

Etant donné leur caractère phonétique désuet, les alter­nances historiques sont généralement étudiées par la morpho­logie.

§ 109. Une voyelle nasale alterne avec une voyelle ora-le+consonne nasale du fait que les voyelles nasales, de par leur origine, ne se trouvent pas en français dans une même syllabe avec une consonne nasale qui les suit, dans le style soigné (а l'exception des formes : nous vînmes, nous tînmes). Le style parlé connaît cependant des mots tels que [dm'ne]. Cette alternance affecte le préfixe in-, im- [s — in/im] : induit innové [s/dqi — ino've], impossible immortel

[s.po'sibl — 1тэê'Û]. Elle est fréquente dans la dérivation : plein plénière ['pli — ple'njeiK ], printemps printanier [pKs'td — pKs.ta'nje], évident évidemment [evi'dd — evi-da'm], etc.