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Le village de Coule.doc
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Le village qui n’avait pas d’enfants (Anne Pierjean)

Le village de Coule-Vent

Le village de Coule-Vent se trouve non loin de la montagne du Cru, près du château de Triple-Bec tout noir sous le ciel bleu. Quand on monte sur la montagne, on regarde en bas, on voit le village, ses toits roses, ses jardins multicolores et ses forêts. Au-dessus des toits on voit le ciel bleu-bleu-bleu, le ciel de Provence.

Au milieu du village: une place. Puis, autour de la place six maisons, pas une de plus, pas une de moins. Six maisons avec des fleurs sur leurs fenêtres et leurs petits jardins avec des fleurs.

Donc, un village comme les autres qu'on trouve partout en Provence.

Un village comme les autres? A vrai dire, non! . . . Coule-Vent est un village triste.

Coule-Vent a ses fleurs, ses oiseaux, ses paysans dans leurs champs, ses animaux domestiques, mais Coule-Vent n'a pas d'en­fants, et un village sans enfants c'est triste-triste, triste à ne pas trouver de mots pour le dire.

Sur la place du village, on n'entend jamais les chansons: ni «II était un petit navire», ni «J'ai du bon tabac». A Coule-Vent on ne joue jamais, ni à la marelle, ni à la poupée, ni à cache-cache, ni au gendarme.

Les grands-mères qui savent beaucoup de contes, les disent à leurs chats; la petite école est fermée.

A Coule-Vent, il n'y a pas de vents. Les petits vents se pro­mènent au-dessus du village.

Coule-Vent est donc un pays sans enfants et sans vents.

— Bonjour, père Henri!

C'est le facteur.

Le facteur a une bicyclette qui fait un grand bruit. Quand la bicyclette arrive, tous les habitants sortent sur leurs portes, puis s'approchent du facteur qui fait l'appel au centre de la place.

— Père Jean ... Père André ... Madame Madeleine ... Tiens? Père Henri, vous avez une lettre!

— Qui vous a écrit, cousin Henri? demande Mme Madeleine. Elle pose cette question parce qu'elle est étonnée. On n'écrit jamais à cousin Henri.

Il prend la lettre et la lit.

— Est-ce que c'est une mauvaise nouvelle, cousin Henri?

— Oui, c'est une mauvaise nouvelle.

Le père Henri va vers sa porte, donne la lettre à sa cousine Ma­deleine.

— Lisez vous-même, cousine, lui dit-il tout bas. Je me demande si j'ai bien lu!

Mme Madeleine a vite lu la lettre.

— Qu'est-ce que vous allez faire, cousin Henri?

Oui, qu'est-ce qu'il va faire? Sa fille et son mari viennent de disparaître dans un accident d'avion, et il reste à Paris une petite fille: Marianette.

— Elle s'appelle comme votre femme, dit dame Madeleine ... Cousin Henri, il faut aller la chercher.

— Aller la chercher? Mais, cousine Madeleine, qu'est-ce que vous dites? D'abord, il n'y a pas d'enfants à Coule-Vent! Et une enfant qui est seule ne peut pas être heureuse.

— Pourquoi pas? Cette enfant n'a plus de famille ...

— Mais, la soigner? Cousine Madeleine, qu'est-ce que vous di­tes? Moi, moi qui ai soixante ans. Je ne peux pas la soigner.

— Père Henri, elle n'a pas six mois, elle a neuf ans.

— A plus forte raison! Elle prendra mes papiers et mes livres, fera du bruit, pleurera la nuit et criera le jour comme toutes les petites filles ... Et moi, j'aime une vie calme. Ce n'est pas pos­sible.

— Alors, qu'est-ce que vous ferez?

— Cela ne vous regarde pas, cousine Madeleine! Cela ne vous regarde en rien!

Ce n'est pas la première fois que le père Henri et cousine Ma­deleine se disputent. Ils se disputent souvent, mais ils s'aiment. Père Henri cultive le jardin de cousine Madeleine et cousine Made­leine lave les chemises de père Henri. Ils ont soixante ans tous les deux, et cousine Madeleine est une parente de père Henri.

— Vous avez mauvais caractère, père Henri, très mauvais ca­ractère!

— Mauvais caractère? Mais c'est vous qui avez mauvais carac­tère.

Vous fourrez le nez dans mes affaires et vous me bombardez de questions du matin jusqu'au soir. Est-ce que je vous demande ce que vous faites?

— C'est ça, c'est ça! Vous restez dans votre village, parce que vous n'aimez pas quand on fait du bruit et votre petite-fille, la fille de votre fille, pleure à Paris, parce qu'elle n'a plus que vous et que vous ne voulez pas la voir! ... Une blondinette avec des yeux bleus ...

— Une blondinette? Avec des yeux bleus? Ça ne vous regarde pas! Vous ne l'avez jamais vue!

— Elle est blondinette comme votre femme Marianette!

Cousin Henri ferme sa porte. Cousine Madeleine rentre chez elle.

Mais la porte de père Henri s'ouvre à nouveau.

— A quelle heure part le facteur? Cousine Madeleine répond:

— A dix heures! Et pourquoi demandez-vous cela?

— Il arrive en Avignon, à ...?

— A onze heures!

— Et d'Avignon, le train part pour Paris, à ...?

— A deux heures de l'après-midi! dit le facteur.

— Il arrive а Paris, à ...? demande père Henri.

— Je ne suis jamais allé à Paris! répond le facteur.

— Vous ... vous allez à Paris, père Henri? demande cousine Madeleine contente.

— Est-ce que ça vous regarde?

A nouveau, la porte se ferme.

Mais cousine Madeleine attend. Elle sait que la porte va se rouvrir. Si père Henri va à Paris, il mettra son beau costume noir. Et s'il met son beau costume noir, il faut vérifier ses boutons pour qu'ils ne tombent pas en route. Pour un vieux monsieur seul comme père Henri, un bouton qui tombe, c'est une catastrophe.

Cousine Madeleine ne s'est pas trompée. La porte s'ouvre. Père Henri sort, son beau costume noir sur le bras.

— Cousine, est-ce que vous pouvez vérifier les boutons de mon costume?

— Bien sûr que je peux! Pourquoi est-ce que je ne peux pas? Je vous le demande.

Contente, elle entre dans la cuisine de père Henri.

Pendant que cousine Madeleine vérifie les boutons, elle parle, elle parle toujours.

— Votre femme Marianette, elle était aussi blonde. Et des yeux bleus si bleus ... Et puis, petite et coquette, vive comme un papillon... Et votre fille Claire était aussi blonde, avec des yeux bleus. Quel malheur! Quelle idée, aussi, de monter en avion? Ces machines-là, ce sont des tonnes! — et ça veut tenir en l'air comme une hirondelle! Je ne suis pas étonnée que ça tombe. Quelle idée, aussi, de monter en avion!

— Une hôtesse de l'air, ça monte en avion! dit père Henri.

— Mais son mari?

— Un pilote de ligne, ça monte aussi en avion! ...

— Mais, vos frères, cousin Henri, qu'est-ce qu'ils font, eux?

— Est-ce que je sais? Je n'ai vu personne de la famille depuis dix ans.

— C'est vrai que vous avez mauvais caractère. Cette idée de se brouiller avec sa fille parce qu'elle a épousé un pilote de Paris! Père Henri change vite de sujet:

— Mes frères, je les verrai, bien sûr. Il faut bien les voir. Il y a Jacques qui est médecin, Jean qui est professeur ...

Père Henri est triste; sa fille Claire est morte et il faut aller à Paris. Il n'aime pas aller à Paris, il n'aime pas quitter Coule-Vent, où sa vie passe entre ses livres et sa cuisine, car, père Henri, s'il est un savant passionné de plantes et d'insectes, il est aussi un véritable chef devant son fourneau. Il aime sa maison à Coule-Vent et il ne veut pas la quitter pour quelques jours.

— Vous arroserez les fleurs de mon bureau tous les deux jours, et la plante verte de la cuisine, tous les jours, dit-il à cousine Ma­deleine. Elle écoute et ne répond rien.

Père Henri ne parle plus. Il faut aller à Paris. Il ira à Paris. Il verra sur place ce qu'il faut faire pour cette petite. Il y a de bons pensionnats à Paris, où on peut élever une enfant. A son âge il ne peut pas prendre la petite à Coule-Vent et l'élever.

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