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Селях, Евчик - Теория фонетики

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Ma

gni

fique!

La mélodie inverse, avec une montée de la voix de la première à la dernière syllabe, marquera la surprise:

6 Зак.5357

81

fique!

gru

Ma

La mélodie en courbe circonflexe /^ révélera le scepticisme ou le désaccord du locuteur, c'est-à-dire le sens contraire à celui que le mot magnifique est censé7exprimer:

Ma

Jjqiie*

Toutes ces reflexions sur le rôle de la mélodie amènent certains linguistes à conclure qu'elle se situe au coeur même du message parlé et que les unités des autres niveaux de la langue n'accèdent à la vie que par la mélodie. Elle se présente donc comme un actualisateur primaire des valeurs semiologiques virtuelles.

Le rôle exceptionnel de la mélodie apparaît surtout en français et ceci parce qu'un autre élément prosodique, l'accent, concourt moins à l'organisation de la phrase en raison de sa place fixe et de son intensité' relativement faible.

Les fonctions de la mélodie sont multiples, néanmoins elles peuvent être classées en quatre catégories:

1.Fonction distinctive. Une faut pas confondre la fonction distinctive des variations mélodiques avec celle des tons dans des langues à tons, le chinois, par exemple: la valeur distinctive des tons se. révèle au niveau des mots, tandis que la mélodie participe à la différenciation de la valeur communicative des unités plus grandes que les mots, notamment des phrases. Ainsi, une phrase énonciative se transforme en phrase interrogative, lorsque la mélodie descendante en fin de phrase est substituée par la mélodie montante. Un niveau et une pente de la chute mélodique plus marqués contribuent a la transformation d'une phrase énonciative en phrase impérative.

2. Fonction démarcative. Les variations mélodiques associées aux accents sont utilisées pour segmenter la phrase en ses constituants immédiats. Tout en délimitant, les éléments prosodiques intègrent les unités du discours. Le rôle demarcatif de la mélodie et des autres moyens prosodiques devient surtout important en cas d'ambi-guj'té syntaxique qu'on retrouve dans cette phrase commentée par BJMalmberg [84, p.200-203] : La belle ferme le voile. C'est la prosodie seule qui permet de comprendre s'il s'agit d'une belle jeune femme qui baisse le voile pour cacher son visage (La 'belle 'ferme le 'voile), ou d'une belle propriété de campagne qui cache un certain "lui" (La belle Terme le }voile).

82

3. Fonction culminative(ou contrastive).La mélodie, de pair avec l'accent, contribue à la mise en valeur d'une unité en dépit d'une autre, elle établit de la sorte une hiérarchie entre les unités successives de l'énoncé sans modifier toutefois son contenu. Soit cet exemple: Je viens d'apprendre] que son perej a acheté'une maison | près de Paris. En détachant telle ou telle unité" de la phrase par une brusque rupture mélodique et faisant de cette unité le centre d'attention, on fait varier la hiérarchie de ses unités:

Je viens d'apprendre \que son père\ a acheté une maison {près de Paris. Je viens d'apprendre \ que son père |a acheté' une maisonl près de

Paris.

Je viens d'apprendre | que son père j a acheté une maison \pres de

Paris.

4. Fonction expressive .Le rôle expressif de la mélodie se révèle dans la possibilité de rendre les moindres nuances de sens, émotionnelles ou modales: étonnement, joie, colère, réprobation, approbation, doute, etc. "Le sujet parlant dispose de l'intonation qu'il fait attendrie, pathétique, ironique, convaincante, douloureuse" [85, p.208]. La fonction expressive est considérée comme une des plus importantes parmi les fonctions de la mélodie.

L'utilisation de la mélodie à des fins expressives varie suivant le type du discours. Dans la classification du langage le discours recherché et la conversation familière représentent deux pôles opposés ou les variations mélodiques dues à l'expressivité sont très fréquentes.

UNITES MELODIQUES DU FRANÇAIS

G.Faure, K.Barychnikova et d'autres savants estiment à juste titre que les éléments musicaux du langage constituent un système tout aussi cohérent que celui de phonèmes. La description des unités mélodiques d'une langue se fait à la base des traits pertinents dégagés par l'analyse et la synthèse de la parole. Parmi ces traits pertinents on cite en premier lieu: 1) la direction de ton, 2) le niveau (ou le registre) de ton, 3) la forme de la courbe mélodique.

La direction de ton représente un trait pertinent majeur responsable de la formation des types de tons. On distingue généralement deux types de tons principaux:!) tons statiques ou stable s; 2) tons me'lodiques ou infléchis. On entend par tons statiques ceux pour lesquels la voix reste fixée à une certaine hauteur pendant toute la durée de leur émission. Schématiquement le ton statique peut être représenté par une ligne monotone ou plate

(•-----). On entend par tons infléchis ceux pour l'émission desquels la

hauteur de la voix évolue progressivement entre deux ou plusieurs niveaux. Les tons infléchis se divisent en simples (montant /*", descendant

83

\) et complexes (montant-descendant/*t , descendant-montant V, montant-descendant-montant л/г , etc.).

A la différence de plusieurs autres langues, comme le russe ou l'anglais, le français utilise beaucoup plus fréquemment les tons statiques, ce qui s'explique par son caractère tendu. Les tons infléchis en français pourraient être ramenés à deux types essentiels — montant et descendant, alors que l'anglais dispose d'au moins cinq types différents de tons infléchis, simples et complexes. L'emploi des tons complexes se limite en français au langage expressif.

A côte de la direction de ton la forme de la courbe apparaît également comme un des traits importants des unités mélodiques: la courbe peut avoir une forme concave J , convexe /",rectiligne/\, etc.

La notion de niveau est aussi indispensable pour la description phonologique de la mélodie. On peut distinguer quatre niveaux ou registres dans la tessiture de la parole non-expressive:

2 -1—

registres aigu

infra-aigu (haut) médium grave

Le niveau 2 c'est celui du fondamental de la voix, hauteur moyenne des syllabes inaccentuées, constante chez un même individu dans un même style. C'est là que commence généralement une phrase énoncia-tive. A partir de ce niveau de référence on peut dégager le niveau 1 de finalité, le niveau 3 de continuité et le niveau 4 de question. Pour la parole expressive il convient d'ajouter le niveau 5 (registre suraigu) et le niveau 0 (registre infra-grave).

Une des recherches les plus importantes sur la fonction et les traits pertinents des principales unités mélodiques du français reste celle de P.Delattre [58; 60] . Il attribue à ces unités le nom d'intonèmes en soulignant de cette façon le rôle que joue la mélodie dans l'intonation de la phrase.

La technique des oppositions a permis à P.Delattre de relever dix intonations de base réduites à sept intonèmes: 1) la finalité (2-1); 2) la continuation mineure .(2-3);3)la continuation majeure (2-4);4)la parenthèse ou l'écho (1-1,2-2,3-3,4-4); 5) la question (2-4); 6) l'interrogation l'exclamation et le commandement (4-1); 7) l'implication (2-4); Ces "intonations de base" peuvent être illustrées au moyen des énoncés suivants:

84

Prenez place, Commandement (4-1)

Messieurs-Dames! Parenthèse basse (1-1)

Le spectacle

est unique.

Finalité'(2-1)

Vous avez peur, Question (2-4)

Mademoiselle? Parenthèse haute (4-4)

Mais voyons! Exclamation (4-1)

Où allez-vous? Interrogation (4-1)

Restez donc ... Implication (2-4)

4 -3 -2 ;

4-

3

2-

Continuation mineure (2-3) j .

2

I

Ц

qu'on vous offre Continuation majeure (2-4) ^

S'

f

2 ----------------------

/ /,

^

/ л

J

^s

2

<t-

3-2-

1-

2-

1 -

4-J-2-

Le plateau bas de la parenthèse basse et le plateau haut de l'écho représentent les variantes du même intonème qui se trouvent en distribution complémentaire: la parenthèse basse suit un ton descendant (par

exemple, la finalité, l'interrogation ou le commandement), la parenthèse haute, par contre, se retrouve après un ton montant (question, continuation majeure).

Quant aux courbes mélodiques de l'interrogation, de l'exclamation et du commandement, elles ne se différencient que par la forme, leur

86

niveau et leur direction étant les mêmes. Ce seul trait (la forme) ne suffit pas pour distinguer régulièrement le commandement de l'interrogation ou de l'exclamation au niveau perceptif. C'est pour cette raison que P.Delattre les rapporte au même intonème, bien qu'elles recouvrent des énoncés différents:

Qu'elle tombe! (commandement)

Quelle tombe? (interrogation)

Quelle tombe! (exclamation)

Pourtant, le point de vue de P.Delattre reste contestable pour la raison que d'autres éléments prosodiques, notamment la durée et l'intensité', associés à1 la courbe mélodique contribuent à reconnaître le commandement, l'interrogation et l'exclamation comme intonèmes diffe'-rents (voir à ce sujet [34, p. 49] ).

On pourrait classer toutes les unités mélodiques (les intonations de base ou les intonèmes dans la terminologie de P.Delattre) en trois groupes selon la fonction qu'elles assument dans le langage: 1) celles qui possèdent une valeur distinctive; 2) celles qui jouent un rôle démarc a t i f ; 3) celles qui ont une fonction expressive.

Les unite's mélodiques du premier groupe ont pour effet de distinguer les types communicatifs de phrases, soit phrases énonciatives, interroga-tives ou impératives. Par la commutation de ces unités on arrive à changer le sens des énoncés dont les phonèmes sont identiques:

Finalité

Question

Nous mangeons ici.

Nous mangeons ici?

Commandement \

Nous mangeons ici!

Il faut noter que le rôle de la mélodie dans la différenciation des types de phrases peut être redondant ou complémentaire dans le cas ou d'autres procédés d'ordre grammatical ou sémantique y participent, notamment l'inversion syntaxique, les mots ou les groupes de mots in-terrogatifs, etc.

Parmis les unite's mélodiques à valeur démarcative on retrouve deux intonèmes: la continuation et la parenthèse.

Deux types de continuation, une mineure et une majeure, tout en marquant l'inachèvement de l'énonce' et séparant une phrase en ses constituants immédiats, présentent certaines particularités dans leur fonctionnement. Si le rôle de la continuation mineure se réduit à la démarcation des unités de phrase, la continuation majeure a pour fonction essentielle de reunir plusieurs unités élémentaires en une unité' complexe.

86

Les constructions "en échelon" comme celles qui suivent, font bien sentir ce rôle (Ces exemples sont cités par P.Delattre):

Puisque les Durant (2-3) sont arrives (2-4), invite-les.

Puisque les Durant (2-3) sont arrives (2-3) avant la nuit (2-4), invite-les. ,

Puisque les Durant (2-3) sont arrives (2-3) avant la nuit (2-3) sans

leurs enfants (2-4), invite-les.

Il est à remarquer que dans sa fonction groupante l'intonème de continuation majeure coïncide avec l'accent qui marque la fin de l'unité' accentuelle divisible (K.Barychnikova) ou du syntagme (L.Sôerba) .

Par ailleurs, la courbe de continuation majeure contribue à mettre en relief un mot ou un groupe de mots dans la chaîne parle'e favorisant de la sorte l'expression de la hiérarchie sémantique. On pourrait le démontrer au moyen des exemples suivants:

Puisque les Durant (2-3) sont arrive^ (2-4), on va se mettre a table.

Puisque les Durant (2-4) sont arrivés (2-3), on va se mettre a table.

En faisant une montée plus marquée à la fin du deuxième groupe accentuel, on fait entendre que c'est l'arrivé' des hôtes qui est décisive. Au contraire, en faisant une montée plus brusque à la fin du premier groupe, on souligne l'importance de l'arrivée des Durant, et non des Dupont ou des autres.

Ainsi que la continuation mineure et majeure, les deux types de parenthèse (basse et haute) ont un comportement fonctionnel particulier. Toutes les deux recouvrent la mise en apostrophe (C'est toi, Michel. C'est toi, Michel? ) ou la mise en apposition (Elle est jolie, cette maison. Elle est jolie, cette maison ? ). pourtant la parenthèse basse suit un énoncé énonciatif, tandis que la parenthèse haute se retrouve en fin de la question.

La parenthèse basse peut signaler, en outre, la rupture de l'énoncé, la présence de toute sorte d'incises (groupes de mots ou propositions intercalés dans la structure de la phrase).

Quant à l'analyse des unités mélodiques à valeur expressive, on pourra la retrouver dans le paragraphe "Modèles mélodiques expressifs" (voir p. 94-96).

STRUCTURES MÉLODIQUES DE LA PHRASE

On distingue généralement, selon le but de communication, quatre types de phrases: phrases énonciatives, phrases interrogatives, phrases impératives et phrases exclamatives^.

Certains linguistes n'incluent pas les phrases exclamatives dans le système de types communicatifs en admettant que n'importe quelle phrase, soit e'nonciative ou Ulterrogative, peut devenir exclamative dans un langage emphatique.

87

1

Maigre les tendances générales de la structuration mélodique des phrases dans diverses langues, il existe un grand nombre de traits particuliers qui sont à la source des difficultés auxquelles on se heurte en tâchant de parler "sans accent" une langue étrangère. Ces particularités se manifestent dans les modifications mélodiques très subtiles reparties entre les unités de phrases, aussi bien que dans le mécanisme des rapports en*re les structures phoniques et sémantico-syntaxiques.

Phrases énonciatives

Les phrases énonciatives non emphatiques se terminent par une descente mélodique: la voix baisse sensiblement à la fin de l'énoncé. Cette descente de ton bien marque'e à la finale présente assez de difficulté^ dans l'assimilation de l'intonation française par les Russes et les usagers des autres langues slaves, notamment les Biélorusses, en raison du fait que la langue russe et surtout la langue biélorusse connaissent une certaine montée de ton à la fin de la phrase, réalisée soit dans la syllabe accentuée, soit dans celles qui suivent l'accent.

La montée finale affecte aussi des phrases e'nonciatives en français, mais elle est lie'e, d'une part, à l'expression des nuances de sens conno-tatives, et de l'autre, comme les études expérimentales le démontrent [ 35], elle sert d'un moyen efficace de liaison entre les phrases dans le discours continu.

Dans la description de'taille'e de l'intonation française faite par M.Grammont [70, p.151-159] la phrase e'nonciative se présente comme étant toujours composée de deux parties me'lodiques: l'une montante, l'autre descendante avec un point culminant et une rupture nette entre elles (fig. 20). La partie montante est celle qui suscite une

F i g, 20. Schéma mélodique d'une phrase à deux membres (d'après M.Grammont).

attente, la partie descendante est celle jjui répond à l'attente, qui conclut la phrase. Or, certains linguistes (L.Scerba, K.Barychnikova, N.Chiga-revskaia, H.Coustenoble, L.Armstrong) ont depuis démontré que la phrase e'nonciative à deux membres ne représente qu'une seule variété'de ce type communicatif.

Selon L.Scerba, on est en présence d'une phrase à deux membres là où il y a opposition entre les parties de la phrase, là où la deuxième partie ajoute quelque chose de nouveau à la première ou bien elle constitue

une partie nette conclusive. Les parties de la phrase coïncident donc avec deux grandes unités du jugement: le sujet et le prédicat logiques qui recouvrent divers éléments syntaxiques. Au contraire, la phrase ayant la même structure syntaxique mais ne comportant pas d'opposition entre ses parties peut être réalisée comme une phrase à un membre mélodique (fig. 21).

F i g. 21. Schéma mélodique d'une phrase à un membre (d'après N.Chigarevskaia).

Il faut remarquer que les rapports du sujet avec le prédicat logique ne s'expriment pas seulement par les différences de hauteur de deux parties. Dans l'analyse des types mélodiques de phrase e'nonciative il faut tenir absolument compte de la structure syntaxique. Ainsi, l'opposition qui caractérise une phrase à deux membres apparaît clairement: 1) dans les phrases où les subordonnées circonstancielles et les tours participés précèdent la principale; 2) dans les phrases commencées par le complément circonstanciel plus ou moins développe'; 3) dans les phrases segmentées, avec reprise, etc. Quant aux phrases à un membre, elles coïncident dans la plupart des cas avec les propositions qui ne comportent qu'un sujet-pronom et un prédicat ou une locution impersonnelle. Les propositions nominales de longueur différente constituent, elles aussi, des phrases à un membre.

En définitive, le dessin musical de la phrase e'nonciative française présente beaucoup de variétés qui sont en dépendance de la structure se'-mantico-syntaxique, des buts du locuteur, du type et du style de message oral. Il semble que les phrases à deux membres se réalisent plus fréquemment dans des textes écrits oralise's où l'expression du sujet et du prédicat logiques incombent déjà à la structure syntaxique de la phrase. Alors que dans le discours spontané' où la logique e'chappe souvent à la structuration syntaxique, le mouvement musical de la phrase revêt des formes varie'es avec divers emplacements du sommet de hauteur. Le me'-canisme de la formation de l'énonce' par adjonction des unités plus ou moins autonomes fait apparaître dans le langage spontané' un nombre assez élevé' de phrases à plusieurs sommets de hauteur et, par conséquent, à plusieurs membres me'lodiques. Voici un exemple de ce type de phrases:

~ C'est-à-dire comme tout sujet ... \euh ... jeune assez brillant dès le départ \ elle se croit un peu tout permis \ fait vraiment... Ile minimum de^son travail puisque ...) peu de travail lui donne des résultats satisfais-sants j et le ... le reste du temps elle dissipe ses camarades et...

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Par contre, ce qui unit toutes les variées de la phrase française et ce qui caractérise tout particulièrement le français par rapport aux autres langues, le russe ou le biélorusse, par exemple, c'est que la modulation de la voix à l'intérieur de la phrase s'effectue par des degrés plus ou moins insensibles, "il n'y pas de heurts ni de sauts, c'est donc une légère ondulation aux contours nettement arrondis sans rien qui ressemble à des angles" [70, p.155]. La variation mélodique atteint le minimum à l'intérieur de l'unité' accentuelle dont les syllabes inaccentuées s'articulent sur un ton presque monotone, la monte'e ou la descente plus ou moins sensibles affectant la syllabe finale accentuée. Le professeur L.Scerba enseignait aux élèves russes apprenant le français d'attacher une grande attention à cette particularité du mouvement mélodique dans la phrase française.

Phrases interrogatives

Le classement des phrases interrogatives et la description de leur structure prosodique s'effectuent selon deux critères essentiels: 1) la portée de l'interrogation (critère sémantique), 2) les marques de l'interrogation (critère formel). Les deux critères ne sont pas en contradiction et se complètent l'un l'autre.

Lorsque l'interrogation porte sur le prédicat ou sur l'ensemble de la phrase (question totale), elle peut être exprimée par divers moyens, soit par l'inversion syntaxique ou la tournure interrogative est-ce que, soit par l'intonation seule ou la combinaison de tous ces procèdes: — Aimez-vous Chateaubriand? — Est-ce que vous aimez Chateaubriand? — Vous aimez Chateaubriand?

Si l'interrogation porte sur quelque autre élément de la phrase (question partielle), elle est aussi marquée par différents procédés, tels sont des mots interrogatifs auxquels s'ajoutent l'inversion ou la tournure interrogative est-ce que: — Ou allez-vous? — Ou est-ce que vous allez?

L'évolution de l'interrogation en français est marquée par la tendance à conserver l'ordre direct des mots. Or cette tendance se manifeste différemment à travers l'histoire de la langue. Depuis le XVIIe siècle le français utilise largement les structures interrogatives introduites par la tournure est-ce que, elles sont considérées à l'époque en tant que variantes stylistiques de l'interrogation propres au langage parlé. Pourtant, ce type de phrases interrogatives cède la place a une autre structure, celle à syntaxe énonciative qui se répand de plus en français moderne. C'est en raison de sa haute fréquence que P.Delattre l'introduit dans son système d'intonations de base du français sous le nom d'intonème de question.

Dans les phrases interrogatives où l'ordre direct des mots est respecte', la mélodie se présente comme le procède'primordial de l'interrogation. Le caractère interrogatif de la phrase se manifeste par la montée brusque

90

et rapide du ton sur la dernière syllabe, les syllabes précédant la finale étant prononcées sur un ton plus ou moins uni mais plus élevé que dans les phrases énonciatives. Ce qui diffère encore les phrases énonciatives et interrogatives ayant la même structure sémantico-syntaxique c'est le débit plus accéléré qu'on observe dans les phrases interrogatives.

M.Rossi et A. di Cristo [98] ont montré que l'hypothèse de P.Delattre selon laquelle la forme de la courbe (concave ou convexe) est le seul trait qui permet d'opposer la question à la continuation majeure ne se justifie ni sur le plan acoustique, ni sur le plan perceptif. Les résultats des recherches instrumentales, leur interprétation perceptive prouvent que c'est surtout l'écart mélodique (l'étendue du glissando) qui distingue la question de la continuation. Dans la question le ton montant doit traverser au moins deux niveaux ce qui n'est pas absolument nécessaire pour la continuation. En règle générale, le ton montant de la question se réalise dans le haut de l'infra-aigu ou dans l'aigu, alors que le ton de la continuation, statique ou montant, se réalise dans le bas de l'infra-aigu ou mime dans le haut du médium.

A. di Cristo a également démontre' que les contextes ou la question est la mieux perçue soient ceux où le ton sur la prétonique est légèrement surbaisse'.

La structure syntaxique de la question partielle représentée par des phrases avec des mots interrogatifs ne semble pas avoir subi tant de changements:une haute fréquence d'emploi revient a la structure inver-sive (Que faites-vous la? Quand rentres-tu? OÙ allez-vous? ). Ce type de phrases interrogatives est marque' par une courbe mélodique descendante (intonème d'interrogation d'après P.Delattre), le sommet de hauteur se trouvant sur le mot interrogatif (fig. 22). La même courbe

Hz Ш

m

300 250

гоо m 100

Fig. 22. Schéma mélodique de la

phrase interrogative avec le mot

interrogatif au début.

mélodique caractérise généralement les phrasés interrogatives qui contiennent la tournure interrogative est-ce que (Quand est-ce que vous partez? Pourquoi est-ce que vous m'avez appelé? Qu'est-ce qu'elle devient? ). Il arrive toutefois que le centre d'interrogation se dédouble entre le début et la fin de la phrase, alors la structure mélodique s'en

9l

ressent tout de suite: elle contient deux sommets de hauteur, l'un à l'initiale, l'autre à la finale de la phrase. Il se peut aussi que la note la plus haute marque seulement la fin de la phrase, ce qui signifie que Interrogation porte sur l'élément final. En résume', tout changement sémantique de la question, qu'il soit d'ordre logique, modal ou e'mo-tionnel, impose nécessairement des modifications de la mélodie accompagnées de variations des autres moyens prosodiques.

On observe, en français courant d'aujourd'hui, l'emploi assez fre'-quent de deux autres structures syntaxiques de la question partielle reflétant la tendance générale à conserver l'ordre direct des mots dans une phrase: 1) la structure avec le mot interrogatif au début de la phrase (Ou vous allez? Pourquoi il ne veut pas m'emmener? Comment tu l'as appris? ); 2) celle où le mot interrogatif est déplace'à la fin de la phrase (Vous partez quand? Vous avez quel âge ? Et vous irez oh ? )

Selon N.Chigarevskaià [44, p.9], la structure de type Ou vous allez? est répandue dans le français populaire et se situe en dehors de la norme littéraire .Par contre, la seconde variante, celle avec le mot interrogatif rejeté' à la fin, gagne de plus en plus du terrain dans le parler des Français cultives. Ce type de question partielle est caractérisée par une courbe montante avec un plateau (un ton égal) ou une le'gère descente sur le mot interrogatif (fig. 23). D'ailleurs le ton sur lequel on prononce le mot interrogatif peut varier en fonction de la portée de l'interrogation.

Hz

400 350 300 250 200

F i g. 23. Schéma mélodique de la ^

phrase interrogative avec le mot 100 interrogatif à la fin.

Les résultats de l'e'tude instrumentale effectuée par E.Katchan [26] ont démontre' que le type de question (totale ou partielle) et la structure syntaxique de la phrase ne se trouvent pas en rapports directs. Il se peut que la question partielle s'exprime par la structure syntaxique de la question totale, et le terme sur lequel porte l'interrogation est alors mis en relief par la modulation mélodique qui se combine généralement avec une plus grande durée de la syllabe. La phrase possède alors deux sommets de hauteur: 1) sur le mot en question, 2) sur la syllabe finale (fig. 24).

92

Hz

400 350

m

250 200 150 100

pause

F i g. 24. Schéma mélodique de la phrase ou l'interrogation porte sur le mot a l'intérieur de la phrase.

Il faut pourtant remarquer qu'on observe souvent une descente de ton à la fin de ce type de phrases interrogatives.

Phrases impératives

Ce type communicatif de phrases s'accomode généralement a la structure syntaxique débutant par le verbe à l'impératif 1 (Attendez un instant! Relisez-moi la lettre! Répétez-la depuis le début! ).

La phrase imperative exprime un ordre et descend en escalier depuis la première syllabe du verbe jusqu'à la fin de la phrase, ce qui correspond à l'intonème de commandement de P.Delattre. Si la phrase contient plusieurs ordres, chaque groupe peut être considère comme une imperative isolée (I), ou bien l'ensemble peut être envisage comme une enonciative (II):

Mets ton manteau, va chez le boulanger, prends une baguette!

Mets ton manteau, va chez le boulanger, prends une baguette!

Il se peut cependant que la phrase imperative ne contient pas de verbe (Silence! Du courage! Attention! Du calme! ) ou bien l'ordre est exprime' parTâT structure dune phrase enonciative (Tu restes la! Vous partez tout de suite! ). Dans les deux cas c'est une attaque plus eleve'e qui distingue l'ordre de l'affirmation.

: qui 93

Une récente recherche sur la variation prosodique des phrases impe-ratives dans divers types de discours [ 30] a de/montre/que l'intonème de commandement peut se réaliser sous forme de quelques variantes selon que l'ordre exprime' devient plus cate'gorique ou, par contre, plus atténue, proche d'une demande, bref selon le style et le sens de l'énonce'.

Phrases exclamatives

Lorsqu'une phrase exclamative contient un mot exclamatif (Que c'est amusant! Que vous êtes aimable! Quel spectacle! Quelle horreur! ), c'est sur ce mot que porte toute l'énergie affective qui revêt alors la forme d'un accent d'insistance, et le reste de la phrase se realise sur un ton descendant. L'accent d'insistance apparaît alors comme une marque pertinente des phrases exclamatives de ce type.

La phrase exclamative peut avoir deux centres d'exclamation, l'un sur le mot exclamatif, l'autre sur la syllabe finale. Dans ce cas la courbe mélodique reçoit une forme descendante-montante [ 32].

P.Léon estime que l'exclamation s'exprime par n'importe quel type de phrases (affirmation, question, etc.) pourvu que le ton passe par le niveau 5 (suraigu). Témoin cette phrase dont la mélodie peut monter jusqu'au suraigu dans différents points:

Et

dez!

0 en

о ven-

1 dez!

Et

dez!

Et

En guise de conclusion à tout ce qui a été dit sur les caractéristiques tonales des types communicatifs de phrases nous ajouterons que la me'-lodie, tout en jouant un rôle primordial dans l'organisation de la phrase, est toujours accompagnée de variations des autres moyens prosodiques (durée, intensité) afin d'exprimer la valeur communicative de base et des nuances de sens très subtiles. La structure de la phrase se présente, selon K.Barychnikova, comme un contour mélodique combine' avec diverses proéminences, pauses, allongements de syllabes et lié plus ou moins rigoureusement à la structure syntaxique.

MODELES MELODIQUES EXPRESSIFS

Dans le système d'intonations de base du français établi par P.Delattre on ne retrouve qu'un seul intonème, celui d'implication, destine' à enrichir l'expression, en traduisant de multiples nuances de sens conno-tatives (fig. 25).

94

4:

S' ''

/V

F i g. 25. Schéma des courbes mélodiques normales (—) et implicatives (----) de

continuation (1) et de question (2).

A la différence des autres courbes ascendantes (continuation, question) pour lesquelles c'est seulement la dernière syllabe qui monte fermement, la courbe d'implication s'élève plus tôt et forme un plus long palier de hauteur. De plus elle retombe légèrement à l'extrémité'. Ce sont là les traits prosodiques auxquels l'oreille la reconnaît le mieux.

De façon générale, la courbe d'implication est employée pour créer des sous-entendus qu'on pourrait rendre explicites en ajoutant des mots et des groupes de mots tels que: naturellement, sans doute, bien entendu, tu sais, je regrette, pourtant, etc. L'implication peut être considérée alors comme "la métaphore sonore d'un geste articulatoire inachevé" [53, p.53] dont le contenu se précise seulement par le contexte.

Comme P.Léon le remarque à juste titre, P.Delattre n'a fait que commencer un classement d'unités intonatives qui reste encore trop élémentaire. Cette remarque concerne surtout la classification des patrons intonatifs expressifs.

Une tâche énorme de l'étude de l'intonation expressive du français est à peine commencée et les résultats montrent déjà que le code expressif comporte un nombre fini d'unités et que ces unités sont organisées dans un système nettement structuré.

Il importe de distinguer deux types d'énoncés expressifs — exclamatif et no n-e x с 1 a m a t i f.

1. Un écart important de la courbe et son passage par le niveau 5 (suraigu) imposent nécessairement k une phrase un caractère exclamatif. Les modifications mélodiques à valeur exclamative se produisent dans des points d'information importante présentés par les syllabes finales d'unités accentuelles ou de phrases. Il arrive cependant que dans des phrases plus ou moins longues la marque exclamative tend à fonctionner comme un accent d'insistance au début de l'unité' accentuelle ou de la phrase. Le contenu sémantique de l'exclamation est précise' par le contexte et, de façon générale, peut être re'duit à des catégories suivantes: argumentation, évidence, assurance, sentiments forts, etc. (fig. 26).

2. Les énoncés expressifs dépourvus de marque exclamative se classent a leur tour en quelques types dont nous retenons seulement ceux qui paraissent plus importants:

1) Type d'énoncés à valeur générale i m p 1 i с a t i v e, associés a l'intonème d'implication de P.Delattre (fig. 27).

95

Hz

ш

350 300 250 200 150 100

F i g. 26. Schéma mélodique de la phrase exclamative exprimant l'assurance.

Hz ZOO 250 200 150 100

'

oc»)

F i g.27. Sche'ma mélodique de la phrase implicative.

La fréquence d'emploi de ce type de phrases expressives en français parle7 est très grande, à tel point qu'on trouve rarement des patrons mélodiques régulièrement descendants pour marquer la finalité'.

2) II existe encore un type d'énonces expressifs non-exclamatifs caractérisées par une finalité hésitante, en quête d'approbation qui reste généralement au même niveau 2 ou remonte légèrement, vers le niveau 3. Ce type de finalité' semble surtout fréquent dans des dialogues où il implique une invitation a continuer la conversation et dont la fonction essentielle est d'assurer le maintien de la communication (fonction p h a t i q u e, selon RJakobson) (fig. 28).

Hz 400 350 300 250 200 150 100

F i g. 28. Schéma me'lodique de la phrase avec une finalité'he'sitan te.

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SYSTEME TEMPOREL

La structure temporelle globale de l'énoncé oral implique tout un ensemble de composants qui ont pour base de leur manifestation la même catégorie matérielle — le temps. Le temps réparti entre les unités hiérarchiques de la chaîne parlée est identifié à leur durée (quan-t i t é). La durée est l'élément le plus important du système temporel du langage lié intimement aux autres caractéristiques temporelles telles que le débit et les pause s.

Il y a lieu de distinguer entre la durée des sons et la durée des unités plus complexes formées par la combinaison des sons (syllabes, unités accentuelles, phrases).

DUREE DES SONS1

La durée d'un son concret peut être mesurée sur un tracé phonétique et calculée en centièmes ou en millièmes de seconde. Il s'agit dans ce cas-là de la durée о b j e с t i v e. La durée objective des sons subit des variations plus ou moins importantes conditionnées par divers facteurs linguistiques ou extra-linguistiques.

Ce qui compte avant tout dans la différenciation de la durée des sons, c'est 'leur propre qualité phonétique. Les valeurs objectives de la durée des sons de différente qualité paraissent être sensiblement les mêmes dans toutes les langues. Ainsi, plus une voyelle est fermée, plus sa durée tend à être brève et inversement. Un [i] est plus bref qu'un [e], un [e] plus bref qu'un [a] . Les voyelles postérieures sont souvent un peu plus brèves que les voyelles antérieures. La durée des voyelles françaises [o], [je], [a] et de toutes les voyelles nasales est beaucoup plus importante que celle des autres voyelles. Cette longueur dite historique s'explique par la soudure des diphthongues et la réduction des groupes de consonnes en moyen français. Elle ne se ressent aujourd'hui qu'en syllabe finale accentuée devant une consonne prononcée -.France^ ['fra:s], mais sans allongement Français [frâ'sb] ;côte ['kort], mais côte' [ko'te] ; compte ['ko:t], mais compter [ko'te] .

Parmi les consonnes les constrictives sont plus longues que les occlusives, une sourde est plus longue qu'une sonore.

La durée objective d'un son a surtout de l'intérêt lorsqu'on la compare avec celle des sons voisins. Il est aussi important d'analyser la durée d'un même son dans divers contextes phoniques. Nous avons alors affaire à une durée r e 1 a t i v e. La durée relative des sons associée à des

1 Nous ne traitons pas dans ce chapitre le problème de la valeur phonologique de la durée des sons en français, car il ne fait pas partie de l'étude prosodique.

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variations microprosodiques de la chaîne parlée peut être de deux types: 1) durée comminatoire, 2) durée positionnelle.

La durée combinatoire se manifeste par l'influence "allongeante" ou "abrégeante" des sons voisins. Ainsi, la durée d'une voyelle dépend généralement de la consonne qui la suit. Une voyelle est relativement plus longue lorsqu'elle est suivie d'un [r], d'une des constrictives sonores [3], [z], [v] ou d'un groupe [ггг] : ['pœ:r], ['ra:j], [Vœ:v] , ['jo:z], ['Цкцг] . L'allongement se fait surtout sentir dans le cas des voyelles accentuées, bien qu'il affecte aussi, mais dans une moindre mesure, les voyelles inaccentuées. C'est pour cette raison qu'on appelle traditionnellement durée rythmique la dure'e des voyelles devant [r], [v], [j], [zj et [ur]. Certains phonéticiens (M.Grammont, G.Gougenheim, P.Delattre) attestent un rôle allongeant à la semi-voyelle [j], mais ce fait est contesté par d'autres chercheurs (H.Sten, F. Carton, etc.). Inversement, les consonnes occlusives sourdes [p], [t], [k] exercent sur les voyelles une influence abrégeante.

Les variations de durée combinatoire conditionnées par le contexte phonique ne doivent pas être prises en compte dans l'interprétation fonctionnelle des structures prosodiques. Du reste, il est légitime de croire que le mécanisme de perception procède à leur neutralisation, c'est-à-dire qu'elles passent inaperçues pour l'auditeur. Par contre, l'allongement positionne! des sons qui apparaît sous l'accent, qu'il soit final de groupe ou celui d'insistance, joue un rôle fonctionnel sur le plan prosodique. En syllabe finale de groupe ou de phrase cet allongement, tout en réalisant le patron rythmique propre au français, contribue à signaler la présence d'une frontière entre les unités de la chaîne parlée, il assume alors la fonction démarcative. L'allongement de la consonne dans cette position ne porte pas, à ce qu'il paraît, de caractère régulier; il se manifeste surtout dans le parler de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie parisienne et sert ainsi de marque sociale (voir, pour plus de détails, p. 160-161). Quant à la durée des voyelles et des consonnes se manifestant sous l'accent d'insistance, elle apparaît comme un trait révélateur sur le plan expressif.

Il est important de noter que la durée objective des sons ne correspond pas nécessairement à l'impression auditive (durée subjective) et ceci pour deux raisons: d'une part, toute oreille interprète des ondes sonores selon ses propres caractéristiques, d'autre part, et ceci est très important, l'entourage phonétique exerce une grande influence sur la perception de la durée des sons. Pour le prouver, nous présentons ci-dessous les résultats d'une recherche effectuée par F.Carton. On a enregistré une liste de mots, parmi lesquels canne, cape, casse, case, en maintenant constantes la fréquence de ton et l'intensité'. Ensuite on a coupe'la bande magnétique au milieu de la voyelle, de façon à donner à chaque [a] une durée identique et l'on a soumis les mots façonnés de la sorte

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au test auditif. On a obtenu les résultats suivants: dans le mot case, la voyelle [a] est perçue par tous les auditeurs comme la plus longue, tandis que dans le mot cape la durée vocalique est qualifiée de minimale. On pourrait en tirer la conclusion qu'il y a une influence évidente de la consonne subséquente sur la perception de la durée vocalique.

Il reste encore un fait que l'on met en évidence lorsqu'on parle de la dure'e subjective: ce que nous percevons souvent comme une différence de longueur est objectivement autre chose. M.Durand a bien démontré que dans nombre de cas la seule différence qui existe objectivement entre les voyelles "longues" et les voyelles "brèves", ce n'est pas la durée, mais la mélodie: la voyelle longue est caractérisée par une mélodie descendante, la brève — par une mélodie ascendante ou unie [ 63].

DUREE DES UNITES PROSODIQUES

Les syllabes peuvent aussi différer quant à leur longueur. Comme dans le cas des sons, les variations de la durée des syllabes sont conditionnées par des facteurs combinatoires et positionnels. Une syllabe est considérée comme longue si elle contient au moins une voyelle longue (saute [|so:t]) ou une consonne longue (épouvantable) ou bien si elle est surchargée de consonnes (strident). Mais ce qui compte surtout dans la structure prosodique de l'énoncé ce sont les rapports de durée entre les syllabes qui en font partie. Les contrastes temporels des syllabes à l'intérieur des unités plus complexes constituent l'élément primordial du' rythme. A la différence de certaines autres langues, de l'allemand ou de l'anglais, par exemple, le rythme de la langue française est i s о s y 1 1 a b i q u e: il se caractérise par l'égalité' (l'isochronie) des syllabes dans l'unité accentuelle dont une seule, la finale accentuée, est marquée par l'allongement. De toutes les syllabes accentuées la finale de phrase apparaît généralement comme la plus longue.

Cependant il y a des cas oïi l'allongement; imprévu des syllabes vient perturber la marche isosyllabique du rythme et communique ainsi une information supplémentaire. Ainsi, la longueur de la syllabe initiale peut servir de marque d'insistance, tout en contribuant à la mise en relief d'un mot ou d'une unité accentuelle. Ce type d'allongement est surtout caractéristique du discours oratoire.

Dans le français spontané l'allongement considérable des syllabes finales des mots pleins et, plus souvent, des monosyllabes à valeur grammaticale (de, le, la, me, etc.) indique l'hésitation du locuteur devant le choix du lexique ou de la structure syntaxique, p.ex.: Vous ... prenez l*escalier qui est sur votre droite en sortant de la gare et vous tombez ...

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rue de Rome. Vous tournez rue de Rome, il y ah ... l'arrêt du bus quatre-vingt.

On observe un allongement particulier de la syllabe pénultième dans certains parlers, notamment dans celui du Midi de la France ou de l'aristocratie parisienne, ainsi que dans le français canadien de Québec. Dans tous ces cas, la durée spécifique de la pénultième peut être consi-dére'e comme un trait pertinent sur le plan social.

En ce qui concerne les unités accentuelles, leur durée réelle est fonction de leur composition syllabique: avec l'accroissement du nombre de syllabes l'unité accentuelle devient plus longue et inversement. Ainsi dans la phrase Tu sais, c'est toujours pareil l'unite'c'esf toujours pareil a grande chance d'être plus longue que le groupe tu sais.

Les recherches sur les caractéristiques temporelles du français parle' démontrent une tendance à l'isochronie des unités accentuelles, c'est-à-dire la réduction de la durée des unités longues et son accroissement dans des unités courtes [80] . Pourtant cette tendance ne se manifeste pas avec autant de force que dans certaines autres langues, en anglais, par exemple. "Le français n'établit une véritable isochronie qu'en poésie" [54, p. 127].

Un autre critère qui conditionne la variation temporelle des unités accentuelles, c'est leur position dans l'unité plus complexe, la phrase. Il paraît que les unités finales des phrases ont une durée plus grande que celles qui se trouvent à l'intérieur des phrases. L'augmentation de la durée d'une unité' interne se fait dans le cas où l'on veut la mettre en relief. Ce procède' de la mise en relief est connu sous le nom de prononciation syllabique.

Quant à la longueur de la phrase, elle dépend des unités accentuelles qui en font partie ainsi que de sa valeur sémantique dans le contexte.

DEBIT DE PAROLE. PAUSES

La variation de la durée à l'intérieur d'une phrase ou d'un énonce' plus complexe constitue le débit de parole qui est mesure7 plus souvent en nombre de syllabes émises en une unité de temps. On distingue généralement trois gradations du débit: lent ou ralenti, modère'et rapide.

Le débit varie sensiblement selon l'individu, il est donc une des caractéristiques individuelles du locuteur [23, p.276]. Pourtant parler du débit en tant que trait individuel, c'est simplifier les choses. Il est fonction de phénomènes complexes d'ordre linguistique ou extra-linguistique comme, par exemple, le style, l'expressivité, lé degré' de préparation et le sens de l'énoncé. Le débit de parole d'une même personne varie selon qu'elle prend part à une discussion, parle à bâtons rompus, fait un discours, ou décrit un dessin, bref, suivant le genre de

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discours. A l'intérieur d'un même énoncé les modifications du débit contribuent à nuancer le sens. Ainsi, dans le texte de ' Chateubriand Le soir sur l'étang (Mémoires d'autre-tombe) lu avec un débit assez lent on retrouve l'accélération de la vitesse dans le passage où il s'agit du vol rapide et des jeux des hirondelles: Elles se jouaient sur l'eau au tomber du soleil, poursuivaient les insectes, s'élançaient ensemble dans les airs comme pour éprouver leurs ailes...

Le débit de parole se présente comme un phénomène prosodique complexe décomposable en éléments plus simples. En effet, lorsque nous parlons nous alternons le temps d'articulation ou de phonation et le temps de pauses. Parmi les constituants du débit on dégage en premier lieu la vitesse d'articulation, le nombre de pauses et la longueur des pauses. Les recherches actuelles sur l'organisation temporelle de la parole démontrent le rôle important des pauses dans la variabilité et la perception du débit. Il est établi, par exemple, que les Français parlent plus vite que les Anglais, ce qui est surtout dû au nombre de pauses moins élevé qu'ils introduisent dans leur langage. Quant à la vitesse d'articulation, elle paraît sensiblement la même aussi bien'dans le parler des Français que dans celui des Anglais.

Du point de vue acoustique la pause représente la rupture du flux sonore. Pourtant on perçoit souvent une pause dans le point de la chaîne parlée ou le tracé acoustique n'indique aucune rupture. Dans ces cas-là l'effet de pause est produit par des modifications de mélodie, d'énergie articulatoire ou de durée.

Les pauses diffèrent selon leur fonction dans la parole. Le classement fonctionnel renferme généralement trois types de pauses: pauses d e'-marcatives, pauses expressives ou stylistiques, pauses d'h é s i t a t i о n.

Les pauses démarcatives ont pour rôle de segmenter la chaîne parlée en unités qui correspondent aux groupes de sens. La majorité des pauses de ce type sont situées à des coupures syntaxiques, d'où leur dénomination de pauses syntaxiques. La phrase ci-dessous présente un exemple de distribution syntaxique des pauses démarcatives:

Par un temps grisâtre d'automne I lorsque la bise souffle sur les champs I que les bois perdent leurs dernières feuilles I une troupe de canards sauvages I tous rangés à la file \ traverse en silence un ciel mélancolique (Chateaubriand, Les canards sauvages).

La durée des pauses démarcatives varie selon leur place. Il est établi qu'en fin de phrase les pauses sont plus longues que celles qui délimitent les unités à l'intérieur des phrases.

Il arrive toutefois que les pauses, tout en assumant la fonction de'-marcative, contribuent en conséquence à différencier deux e'noncés identiques. A titre d'exemple citons les deux vers du distique olorime bien connu:

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Gall, amant de la Reine, alla, tour magnanime,

Galamment de l'arène h la Tour Magne, h Nîmes.

Ils se distinguent en premier lieu par la place différente des le'gers temps d'arrêt:

['cjal amadala'ren a'ia turmajia'nim],

[galarncu dala'r&n alaturhia/г a'nim].

Les pauses expressives ou stylistiques, tout en se combinant avec d'autres moyens prosodiques, servent de marques de la mise en relief d'un mot ou d'une unité' plus complexe. Ce type de pauses est surtout caractéristique du style recherché7 et du langage poétique qui satisfont le mieux le besoin d'expressivité'. Il est à remarquer que les pauses expressives se placent fréquemment à l'intérieur des unités syntagmatiques de la chaîne parlée, en de'truisant ainsi leur cohésion phonétique, syntaxique et sémantique. Vu le caractère imprévu de ce type de pauses dans le processus d'encodage de la parole, certains linguistes les qualifient de pauses inattendues. Elles peuvent être situées entre l'article et le substantif (le | destin de la France, Monsieur le l Président); entre le verbe et le complément (ce qui survenait \ dans le monde des lettres, prendre l sous sa protection, occuper I les esprits); entre le substantif et son déterminant (le premier I défenseur, le cadre I traditionnel); entre le pronom-sujet et le verbe (elle I ne meurt pas, tous I étaient des poètes, à l'époque ou nous I vivons), etc.